La boutique Elise Lausanne annonce écouler tout son stock en 24 heures à des prix cassés. Ce commerce de mode en ligne «conçu à Lausanne» et qui se targue de vendre du «durable» met la clé sous la porte du jour au lendemain, invoquant une raison tragique. «Suite à la perte inattendue de notre chère fille, nous avons décidé de fermer notre boutique», indique le site web. «Dernier jour», lit-on ailleurs. A noter que cette annonce figure sur le site depuis quatre jours.
Ces explications n'ont pas semblé convaincre. Dans un post publié vendredi sur LinkedIn, Jacob Grabowski, chargé de la création d'entreprise au sein du Centre patronal, s’insurge de ces méthodes «dégueulasses», qui n’hésitent pas à jouer sur les sentiments. Pour lui, cette boutique n’a rien de lausannois, mais n'est qu'un site de dropshipping supplémentaire. En témoignent plusieurs indices: des visuels créés par l'IA, un site géré par une société britannique, la création d'un sentiment d'urgence...
Favoriser l'empathie
Les méthodes de cette boutique ne sont pas uniques. Des personnes âgées ou des jeunes en situation de handicap qui fabriquent des gadgets, sur fond de musique poignante: Instagram et TikTok regorgent de ce genre de contenus promotionnels, qui jouent la carte de l'empathie et tentent d’arracher des larmes aux potentiels acheteurs.
«La connexion émotionnelle a toujours été importante dans le marketing. Cela touche directement les gens, en augmentant l'attention. Et cela peut changer le comportement d’achat», explique Mathieu Fouvy, partenaire de l’agence Créatives et expert en marketing digital.
Selon lui, à l'ère des réseaux sociaux, les consommateurs apprécient davantage l'humain et l'authentique, poussant les marques à communiquer différemment. «On va utiliser des influenceurs pour promouvoir des produits, montrer les personnes de l'entreprise. Le visage humain est rassurant, l'acheteur projette plus facilement une empathie. Les marques ont plus tendance à faire des visuels moins léchés, moins studio. Car c'est plus réel.»
Difficile de détecter le vrai du faux
Sauf qu’après avoir passé commande, c’est souvent la douche froide. Sur des forums tels que Reddit, on retrouve des centaines de témoignages qui se plaignent de recevoir une marchandise de piètre qualité, qui n’a rien de local. Dans certains cas, il s'agit simplement de pures arnaques, les clients n'ayant jamais eu vent de leur colis. Selon les statistiques de la Confédération, rien qu’en 2024, 890 cas d’escroquerie en ligne liés à des sites frauduleux ont été recensés par la police en 2024. Et il est difficile de mettre fin à la supercherie: le taux d’élucidation était de seulement 20,9%.
Avec une démocratisation des outils numériques, il devient de plus en plus difficile de détecter les arnaques. «Aujourd'hui, nous sommes sous une avalanche de contenus. C'est difficile de distinguer le vrai du faux. Ça devient très compliqué de trier, de faire confiance, tant à une image qu'à un texte», résume l'expert.
Reconnaître les sites frauduleux
Avant d’entreprendre toute démarche, les autorités suisses appellent à la prudence. Il existe plusieurs sites qui évaluent la fiabilité d’une boutique, comme Trustpilot ou ScamAdviser. Les usagers peuvent y évaluer leur expérience et noter les boutiques en ligne du monde entier. Attention toutefois: des sites affichant des commentaires trop positifs, au-delà de cinq étoiles, sont souvent synonymes de faux avis.
De son côté, le site indépendant Watchlist Internet tient un répertoire de sites frauduleux ainsi que ceux présentant des pratiques suspectes, comme des délais de livraison importants ou des coûts cachés. L'attribution des labels ASVAD ou Trusted Shops constitue un gage de qualité et un indicateur de confiance pour une boutique.
Les réflexes à adopter
Il y a aussi des astuces pour repérer les signaux d’alarme. Le site suisse Stop Piracy recommande toute une série de réflexes à adopter. Parmi les éléments principaux, vérifier les URL des commerces: le fait de comporter un .com sur un site suisse peut être suspect, tandis qu'un nom de ville figurant dans l'adresse devrait susciter la méfiance.
Deuxième indicateur, le prix. Des offres cassées, qui semblent imbattables, sont généralement mauvais signe. Autre réflexe à avoir en tête: les images. Actuellement, il est très simple de générer des images avec l’IA. Il convient donc de vérifier les éléments suspects – les classiques mains à six doigts – ou de veiller par exemple à ce que les logos affichés sur les photos correspondent. Des mentions légales, qui sont incomplètes ou renvoient à des législations étrangères, doivent aussi vous mettre la puce à l’oreille.
Les victimes d’escroqueries peuvent même être soutenues. Le site Payback offre notamment une plateforme, où les utilisateurs peuvent rapporter leur cas et espérer obtenir un remboursement.