Rétrospective
Voici les plus grands perdants de la politique suisse en 2025

Affaire Dittli, droits de douane ou départ de Viola Amherd: l’année a été riche en rebondissements politiques. Certaines carrières ont en pris un coup: voici les grands perdants de la politique suisse en 2025.
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Le ministère public enquête actuellement sur Valérie Dittli pour suspicion d'abus de pouvoir.
Photo: KEYSTONE/Cyril Zingaro
Sven Altermatt, Lucien Fluri

Viola Amherd: les pots cassés ne portent pas chance

L'année a mal commencé pour la conseillère fédérale du Centre Viola Amherd. Sa conseillère de longue date a démissionné. Un scandale de corruption a éclaté au sein de l'entreprise fédérale d'armement Ruag. Le financement du réarmement de l'armée est demeuré incertain.

Viola Amherd.
Photo: keystone-sda.ch

L'important projet de réforme du service militaire a été balayée d'un revers de main par le Conseil fédéral après de longs préparatifs. Enfin, les départs du chef de l'armée et du chef du service de renseignement ont été prématurément rendus publics à la suite d'une fuite. 

Lors d'une conférence de presse mémorable fin février, le pays a été témoin de la colère de la conseillère fédérale: Viola Amherd faisant claquer les rapports sur la table alors qu'on lui reprochait le manque de stratégie de l'armée. 

Elle avait alors déjà tiré la sonnette d'alarme. En janvier déjà, la politicienne valaisanne a annoncé sa démission pour la fin mars. Mais même après la fin de son mandat, Amherd a continué à se retrouver sous le feu des projecteurs: les Etats-Unis ont refusé d'honorer le prix fixe promis pour les avions de combat. Cette acquisition, elle aussi, s'est avérée désastreuse. 

Conclusion: Viola Amherd n'est plus en fonction et a choisi de garder le silence sur cette situation chaotique. C'est à son successeur de payer les pots cassés, alors qu'il n'a lui-même pas encore trouvé le moyen de dégager les fonds nécessaires au réarmement de l'armée dans un budget fédéral serré. Pour l’instant, la Suisse prévoit donc de réduire le nombre d’avions de combat acquis.

Valérie Dittli: embourbée dans les affaires

Elle était considérée comme une étoile montante. Mais 2025 a été une année de crise pour Valérie Dittli. La jeune conseillère d'Etat vaudoise du Centre, originaire du canton de Zoug, s’est retrouvée privée de dossiers clés au sein du prestigieux département des Finances.

Valérie Dittli.
Photo: CYRIL ZINGARO

À la suite de de vives critiques, des luttes de pouvoir internes et un rapport d'enquête, le gouvernement, déjà fragilisé, a pris des mesures d'urgence. Valérie Dittli a été de facto mise à l'écart et a réalisé, à ses dépens, qu'en tant qu'élue d'un petit parti vaudois, elle ne disposait pas d’un soutien suffisamment solide.

L'affaire est désormais difficile à démêler. Le ministère public enquête actuellement sur Valérie Dittli pour suspicion d'abus de pouvoir alors que la conseillère d'Etat nie toutes les accusations. Ce qui est souvent oublié, c'est que Dittli a révélé que, avant son entrée en fonction, de riches résidents vaudois auraient bénéficié d'avantages fiscaux présumés illégaux.

Conclusion : le vent est-il en train de tourner? Pascal Broulis, prédécesseur de Valérie Dittli, se retrouve de plus en plus sous les feux des projecteurs. Ce poids lourd du PLR, aujourd'hui conseiller aux Etats, est accusé d'avoir imposé les riches contribuables de manière trop légère pendant plusieurs années.

Karin Keller-Sutter: perte d'influence

Quand on est très appréciée, il n'y a pas beaucoup de marge de manœuvre pour les déceptions. En début d'année, Karin Keller-Sutter, présidente de la Suisse en 2025 et membre du Parti libéral-radical (PLR), était au sommet de sa gloire. La ministre des Finances était considérée comme la femme la plus influente de Berne, jouissant d'une stature internationale et de contacts directs avec les centres de pouvoir mondiaux.

Karin Keller-Sutter.
Photo: Bloomberg via Getty Images

Elle semblait maîtriser parfaitement le dossier du différend commercial avec les Etats-Unis: son premier contact téléphonique avec le président américain Donald Trump a été salué comme un coup de maître diplomatique. On espérait alors que la Suisse pourrait négocier l'un des premiers accords et ainsi éviter l'imposition de

A cela se sont ajoutés des conflits ouverts avec UBS au sujet du renforcement des exigences en matière de fonds propres ainsi que des tensions au sein de son propre camp politique. Après le naufrage de Credit Suisse, Karine Keller-Sutter était considérée comme une gestionnaire de crise d'envergure historique. En 2025, cette image a été sérieusement écornée.

Conclusion: son aura d’intouchabilité a disparu, mais tout ne dépendait pas d’elle. Karine Keller-Sutter demeure néanmoins une figure clé du Conseil fédéral. Désormais, la question qui plane est celle de son héritage politique. 

Ueli Maurer: en compagnie de Poutine et Kim Jong-un

Pour Ueli Maurer, l'année 2025 a mal commencé. Et la situation n'a fait qu'empirer. D'abord, le rapport d'enquête sur la faillite du Crédit Suisse a terni son image de ministre des Finances fiable. Les actions unilatérales, les réunions secrètes et la minimisation de la situation critique de la banque étaient une chose. La dissimulation délibérée d'informations importantes au Conseil fédéral en était une autre. Maurer a fait l'objet d'un constat accablant dans le rapport de l'enquête parlementaire (CEP).

Ueli Maurer.
Photo: Keystone

Début septembre, l'ancien conseiller fédéral de l'Union démocratique du centre (UDC) faisait la une des journaux. Le retraité politique a mené de sa propre initiative une politique étrangère suisse, sans consulter le Conseil fédéral au préalable. Maurer a en effet accepté une invitation de la Chine à assister à un défilé militaire commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aucun chef d'État européen n'était présent.

Maurer était en compagnie du président russe Vladimir Poutine et du dictateur nord-coréen Kim Jong-un. La Chine est à la pointe du progrès mondial dans de nombreux domaines. Il est de toute façon préférable d'avoir la Chine comme amie plutôt que comme ennemie, a déclaré Maurer pour justifier son voyage.

Enfin, il a récemment provoqué un tollé en proposant que certains cantons se séparent de la Suisse si les accords avec l'Union européenne étaient adoptés.

Conclusion: à la tête de l’UDC, Maurer était un provocateur. Il s'est ensuite forgé une réputation d'homme d'Etat, qu'il menace aujourd'hui de perdre. Mais Maurer a toujours préféré défendre ses convictions plutôt que de se conformer. L’opinion d’autrui lui importe probablement peu, même dans ce cas-là

Alec von Graffenried: mauvaise presse à droite

Il avait déjà subi une humiliation nationale en 2024. Alec von Graffenried a été éjecté de son poste de maire de Berne. Il doit désormais travailler sous les ordres de son successeur au sein du gouvernement municipal.

Alec von Graffenried.
Photo: Keystone

Et comble de l'ironie, il occupe le poste de directeur de la sécurité. Une position rendue délicate par un climat tendu, marqué notamment par des relations parfois conflictuelles avec les ultras de l'équipe des YB, ainsi que par les nombreuses manifestations ayant secoué la ville et affecté les rapports entre la population et la police.

Et c'est ainsi que l'année 2025 a valu au politicien des Vert-e-s une mauvaise presse. La ville a réagi avec hésitation à la manifestation non autorisée en faveur de Gaza. Les prises de distance attendues par certains ont été rares.

A droite, les déclarations claires de désolidarisation ont été jugées insuffisantes. Pour ses détracteurs, Von Graffenried est devenu le visage de l'attitude jugée laxiste de la ville de Berne face aux manifestations de la gauche pro-Palestine.

Conclusion: la sécurité à Berne est un sujet d'actualité depuis des années. En 2026, la capitale fédérale continuera à débattre avec la question de la gestion des supporters et des manifestants enclins aux débordements. Toutefois, c'est le Parlement national qui pourrait faire avancer les choses en adoptant des mesures plus sévères.

Céline Vara: une Verte à la plage

La protection du climat s'arrête-t-elle là où commence la plage? Lorsqu'une politicienne des Vert-e-s s'envole pour des vacances de luxe à Oman, cela crée la polémique. Céline Vara, conseillère aux Etats neuchâteloise jusqu'au printemps, en a fait l'expérience. Malgré son appartenance à un parti qui défend ardemment la protection du climat et qui stigmatise fortement les voyages en avion sur le plan climatique, Céline Vara n'a pas résisté à la tentation de s'envoler en direction de sa luxueuse destination de vacances – comme l'a révélé le Blick.

Céline Vara.
Photo: keystone-sda.ch

Peut-on condamner politiquement les voyages en avion, puis s'envoler soi-même vers un complexe hôtelier de luxe? Céline Vara avait initialement déclaré que ce voyage relevait de sa seule sphère privée. Face aux critiques, elle a précisé qu'il s'agissait de simples vacances en famille, «choisies pour la possibilité d'observer des tortues marines et la faune unique de la région». Elle n'avait pas pris l'avion depuis des années et, de toute façon: «Les voyages en avion devraient rester exceptionnels. Les Vert-e-s n'ont jamais interdit aux gens de prendre l'avion.»

Conclusion: sur le plan politique, l'année a néanmoins été bonne pour Céline Vara. L'ancienne conseillère aux Etats est parvenue à entrer au gouvernement neuchâtelois.

Christian Dussey: l'espion mal-aimé

Il a renoncé. Fin février, le chef du service de renseignement suisse, Christian Dussey, a démissionné. Une conférence de presse mémorable avait été organisée pour l'occasion. Le chef des services secrets suisses y est apparu l'air épuisé. Après seulement trois ans en fonction, l'homme à la tête des services secrets a publiquement admis qu'il n'avait plus la force nécessaire pour remplir son rôle. 

La pression exercée par la guerre en Europe était trop importante. Depuis plusieurs mois, des réorganisations internes semaient la discorde au sein de son département. Christian Dussey avait également reçu à plusieurs reprises des évaluations négatives: ses collaborateurs étaient mécontents et la confiance faisait défaut.

Christian Dussey.
Photo: Keystone

Dussey serait encore jusqu'au printemps 2026 si on avait eu besoin de lui. Mais le nouveau ministre de la Défense, Martin Pfister, n'a pas voulu d'une phase de transition longue et pesante. Il a mis fin à l'ère Dussey dès la fin du mois de novembre.

Conclusion: un service de renseignement ne devrait pas faire la une des journaux. Il est temps de repartir à zéro. En 2026, le nouveau chef du Département fédéral de la défense, de la protection civile et des sports (DDPS), Martin Pfister, procédera à un remaniement de son personnel, avec la nomination de Serge Bavaud à la tête du Service fédéral de renseignement et de l’état-major des armées, Bänz Roos.

Simon Stocker: Schaffhousois sur le papier

Son ascension a été fulgurante, tout comme sa chute. Simon Stocker, membre du Parti socialiste (PS) de Schaffhouse, a fait une entrée sensationnelle au Conseil des Etats en 2023. Il a détrôné Thomas Minder, connu dans tout le pays comme le «cauchemar des managers». Mais en 2025, Simon Stocker a perdu son mandat. Sa vie privée est devenue un sujet politique. Le Tribunal fédéral a annulé son élection: au moment des élections, l'élu ne résidait pas réellement à Schaffhouse, mais à Zurich.

Simone Stocker.
Photo: keystone-sda.ch

Un homme politique qui perd son siège par décision de justice: c'est une situation inédite en Suisse. Lors de l'élection complémentaire qui a suivi, Simon Stocker a tenté de se refaire une place à Berne. Il était alors donné favori. Mais les habitants de Schaffhouse ne l'ont pas soutenu: Stocker a été battu par le candidat du Parti libéral-radical (PLR) Severin Brüngger.

Conclusion: d'abord destitué de ses fonctions par la justice, puis battu aux urnes - difficile d'imaginer pire scénario. Mais Stocker est du genre à rebondir: entrepreneur indépendant dans le domaine des seniors, il est très sollicité et n’exclut pas un retour en politique.

Gerhard Pfister : un maître stratège sans projet

Gerhard Pfister était considéré comme un fin stratège qui avait contribué à repositionner le Parti démocrate-chrétien suisse (PDC) comme un parti du centre. Un succès: après la fusion avec le Parti bourgeois-démocratique (PBD), le Centre a cessé de stagner électoralement pour la première fois depuis des années et a commencé à marquer des points dans des régions importantes en dehors de ses bastions traditionnels. Seul son départ de la présidence du Centre ne lui a pas réussi.

Gerhard Pfister.
Photo: STEFAN BOHRER

En début d'année, Gerhard Pfister a annoncé son intention de quitter la présidence du Centre, à la surprise générale. Son nom a alors circulé comme possible successeur de Viola Amherd au Conseil fédéral. Des tensions internes au parti et l’absence de candidature officielle ont toutefois écarté cette option. Parallèlement, la succession à la présidence du Centre s’est révélée délicate, faute de candidats évidents dans un premier temps.

Conclusion : Gerhard Pfister continue de siéger comme simple parlementaire. Le parti est en bonne position avec son nouveau président et les difficultés liées à son départ seront sûrement bientôt oubliées.

Sanja Ameti: plus isolée que jamais

Ses coups de feu lui ont été fatals. Sanija Ameti s'est retrouvée au coeur d'une vive polémique en 2024. Elle a tiré sur une représentation de Marie et de Jésus avec un pistolet à air comprimé. Et les réactions ne se sont pas fait attendre: poursuites judiciaires, critiques massives et tollé national. Sanija Ameti a présenté ses excuses. Mais elle a perdu son emploi, a démissionné de la direction du Parti vert libéral (PVL) de Zurich et s'est temporairement retirée de la vie publique.

Sanija Ameti.
Photo: keystone-sda.ch

2025 aurait pu être l'année de son retour en grâce, mais politiquement, elle n'a réussi à se relever. L'opinion publique s'est montrée impitoyable, la descente aux enfers s'est poursuivie et en début d'année, Sanija Ameti a quitté le PVL. Depuis, elle siège sans affiliation politique au conseil communal de Zurich, particulièrement isolée. 

Elle est également menacée par des poursuites judiciaires: le ministère public a déposé plainte pour atteinte à la liberté de croyance. Le procès est prévu pour fin janvier. Récemment, Sanija Ameti a également annoncé sa démission de la présidence d'Operation Libero après cinq ans. L'organisation était devenue quasiment invisible ces dernières années.

En conclusion: Sanija Ameti est considérée comme une rhétoricienne douée et une juriste chevronnée. Son talent politique est indéniable. Il est fort possible qu'elle réussisse à faire son retour sur la scène politique.

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