«On ne peut plus répondre à tout»
Frappées par une pénurie majeure de personnel, les polices suisses sont à bout

La police est confrontée à une crise de personnel. Les cantons tentent d'y remédier par différentes mesures. Le policier Samuel M. raconte les conséquences de ces mesures sur son quotidien.
Publié: 10:20 heures
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Dernière mise à jour: 13:35 heures
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Samuel M. de la police de Bâle-Ville.
Photo: Thomas Meier
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Jeremy Goy et Thomas Meier

Samuel M.* a terminé l’école de police en 2007 et sert depuis bientôt 19 ans. Aujourd’hui agent à la police cantonale de Bâle-Ville, il constate une évolution du métier: «Nous devons désormais donner la priorité aux interventions les plus urgentes. Nous ne pouvons plus réagir immédiatement à chaque nuisance sonore.» Il connaît plusieurs collègues qui ont quitté le corps, épuisés par la charge de travail et en quête d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Le manque de personnel dans les polices suisses s’aggrave. En 2023, on comptait un policier pour 466 habitants – en 2025, il y en aura 477. Selon la Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP), cette pénurie empêche de traiter toutes les interventions dans des délais raisonnables, entraînant des temps d’attente prolongés. La vague de départs à la retraite des baby-boomers risque d’accentuer encore le problème.

Assouplissement des conditions d'admission

Ce ne sont pas seulement les effectifs qui manquent, mais aussi la relève. Les candidatures restent nombreuses, mais plus de 80% des postulants échouent aux examens d’admission, selon les cantons. Ces derniers reconnaissent la difficulté des tests, tout en refusant de les simplifier.

En revanche, les conditions d’entrée ont été progressivement assouplies: la taille minimale a disparu, les tatouages visibles sont mieux tolérés, et l’obtention d’un permis C pourrait bientôt suffire pour postuler – une mesure discutée au Parlement du Canton de Bâle-Campagne sur proposition de la députée Simone Abt (PS). Seuls les Cantons de Neuchâtel, du Jura et de Bâle-Ville acceptent déjà des candidats non suisses.

Bâle-Ville tire le bilan des projets pilotes

A Bâle-Ville, seuls 15% des candidats remplissent toutes les conditions et entrent à l’école de police. Le test sportif, principal obstacle, peut désormais être répété autant de fois que nécessaire, alors qu’une nouvelle tentative n’était autrefois possible qu’après un an. Les candidats peuvent aussi s’y entraîner en salle aux côtés de policiers et bénéficier d’un coaching personnalisé. Ceux qui réussissent ont accès à un cours d’allemand gratuit.

Ces projets pilotes se sont révélés très positifs et seront poursuivis puisque très bien accueillis par les personnes intéressées: «L’effort accru en amont se traduit par un taux d’échec plus faible», souligne la police cantonale.

Plus de relève

A Bâle-Campagne, le nombre de candidatures baisse, mais leur qualité s’améliore, selon le corps de police. Pour anticiper les départs à la retraite, la police de Bâle-Campagne serait prête à créer des postes de formation supplémentaires afin de prévenir un futur manque de personnel dû aux départs à la retraite et aux démissions.

Le processus de candidature est adapté en permanence aux nouvelles exigences et aux évolutions sociales. En outre, la police examine d'éventuelles voies d'accès alternatives, comme des passerelles à partir de professions apparentées, qui pourraient faciliter l'entrée à l'avenir.

Favoriser la réinsertion professionnelle

A Winterthour, environ 80% des candidats échouent à l’examen d’entrée, et la moitié déjà lors des tests préliminaires en ligne. Pour pallier la pénurie, la police cible désormais les personnes en réinsertion professionnelle, comme les mères souhaitant reprendre le travail, et propose des postes à temps partiel. Le nombre de places de formation y a plus que doublé.

Pour Samuel M.*, la pression se ressent aussi dans la vie privée: «Après certaines nuits, il m’arrive de rentrer tendu, incapable de me détendre tout de suite. La qualité du sommeil en pâtit, et l’humeur aussi.» Malgré tout, il reste animé par la vocation: «La police, les secours, les pompiers… ce sont des métiers qu’on fait avec le cœur.»

*Nom modifié

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