Scénarios 100% prévisibles
Vous aimez les films de Noël? Voici ce que cela révèle de votre psychologie

La saison des téléfilms de Noël aux scénarios complètement prévisibles bat son plein sur les plateformes de streaming. Comment expliquer le succès croissant de productions qu'on pourrait qualifier de «mauvaises»? Une psychologue nous répond.
Dans «My Secret Santa» film le plus regardé sur Netflix, une mère célibataire trouve un job en tant que Père Noël dans un palace.
Photo: Courtesy of Netflix ©2025
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Même si vous fuyez à toutes jambes à la vue d'un sucre d'orge, il est impossible que vous ne les ayez pas remarquées: les nuées de comédies de Noël qui inondent les plateformes de streaming et autres chaînes télé depuis le mois de novembre. 

Si ces films semblent se multiplier chaque année, leurs scénarios restent identiques: une citadine débarque dans un chaleureux village enneigé, se perd en chemin et est guidée jusqu'à son chalet cinq étoiles par un bûcheron en chemise quadrillée. Points bonus si ledit bûcheron porte un sapin sur son épaule, au moment de cette rencontre complètement fortuite. La formule magique ne change pas d'un flocon. Et on sait pourquoi: elle fonctionne! 

132 millions de dollars en 2024

En ce 11 décembre, dans le top 10 des films Netflix les plus visionnés en Suisse, on découvre (tintement de grelots) «My Secret Santa», une comédie romantique dans laquelle une mère célibataire en quête d'argent décroche un job en tant que Père Noël, dans un hôtel de luxe. Et ce n'est pas un bug: le film trône à la première place depuis plusieurs jours, déjà! La plateforme ne devrait pas s'en plaindre, puisque ce genre de romance festive a rapporté plus de 132 millions de dollars en 2024, selon Parrot Analytics, soit 10 millions de plus qu'en 2023. Pour le mois de décembre, la moitié de la demande enregistrée par Netflix concerne les comédies de Noël.

Si les grands classiques («The Grinch», «The Holiday», «Elf» ou «Love Actually») restent très populaires selon Forbes, ce sont avant tout les téléfilms saveur pain d'épice, style Hallmark, qui monopolisent les écrans. «Business Insider» constate une légère baisse dans le rythme de production, mais pas dans la popularité: celle-ci connaît un pic exceptionnel en novembre et chute de manière presque immédiate après le 25 décembre. Un peu comme un feu d'artifice: bref et intense. 

Familiers et prévisibles, ils luttent contre l'angoisse

Un mystère subsiste: pourquoi ces films connaissent-ils un tel succès alors qu'ils sont objectivement plutôt mauvais? A propos de «Mon bel homme de neige», production phare de Netflix en 2024, une critique cinéma du «Guardian» écrivait: «Ce film est la réalisation sincère d'une idée sincèrement stupide.» En d'autres termes, on sait que le scénario ne mérite pas un Oscar, mais on se laisse quand même attendrir. 

D'après la Dre Catalina Woldarsky, psychologue et psychothérapie FSP spécialisée en thérapie centrée sur les émotions, l'ingrédient secret de ces films n'est autre que la prédictibilité, qui crée un sentiment de contrôle et apaise le système nerveux: «On sait déjà ce qui va se passer et cela nous autorise à lâcher prise, en apportant beaucoup de calme intérieur, souligne-t-elle. Pour les personnes anxieuses ou ayant tendance à ruminer, cela peut apporter beaucoup de réconfort et une possibilité d'évasion.»

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En effet, aucun de ces films ne possède la moindre once de suspense. Même les acteurs sont récurrents, dans la mesure où Netflix a permis à de nombreux comédiens de réussir leur «come-back» en les intégrant à son élite de Noël. Parmi ce gratin, on retrouve notamment Lindsay Lohan et Lacey Chabert, deux «Mean Girls» reconverties, ainsi que Chad Michael Murray des «Frères Scott». Pour la génération des Millenials, l'une des principales cibles de ces films d'après «The Economist», c'est un peu comme retrouver de vieux copains d'école. 

Un sentiment de contrôle qui calme le stress

Et il se trouve que cette prévisibilité représente un excellent antidote contre l'angoisse, dans la mesure où le cerveau cherche constamment à prédire l'avenir, pour se rassurer. «A la fin de l'année, on ressent parfois le besoin de se prouver que le monde n'est pas si terrible, en recherchant une réassurance externe dans des contenus 'feel-good', analyse la psychologue. Beaucoup de personnes s'identifient aux prototypes des personnages typiquement représentés dans ces films, comme la 'gentille héroïne', qu'on retrouve dans la majorité des productions concernées. Cela permet de se changer les idées, d'échapper à son quotidien pour se projeter dans une autre vie.»

Voilà qui semble, hélas, suggérer un grand besoin d'émotions positives, dans une société de plus en plus incertaine, criblée de mauvaises nouvelles. Les films de Noël constituent ainsi une échappatoire, certes superficielle et fugace, face à l'état anxiogène du monde. 

Un cocktail d'hormones du bonheur

Notons également que ces films, avec leur palette d'acteurs bien connus, puisent à fond dans les couleurs et images classiques de Noël, notamment héritées des 90's. «La nostalgie joue donc un rôle très important dans ces productions, dans la mesure où celles-ci nous rappellent des souvenirs d'enfance, acquiesce notre experte. Elles exploitent des images et des codes que de nombreuses personnes associent au réconfort, ce qui suscite un sentiment d'appartenance et de chaleur émotionnelle. Ces associations positives nous aident à réguler nos émotions.»

Résultat: nostalgie, «happy ending» et prévisibilité activent le système de récompense et déclenchent une libération de dopamine, de sérotonine, d’endorphines et d’ocytocine. «En d'autres termes, ces films boostent réellement le moral», résume Catalina Woldarsky. 

Et si on les déteste les films de Noël?

Or, cela ne signifie pas que les détracteurs des films de Noël, ceux qui ont la nausée en lisant le résumé du dernier navet de Netflix, sont moins sensibles ou moins anxieux! Ni que leur enfance a été associée à des Fêtes tristes et lugubres. Ainsi que le souligne notre experte, certaines personnes (qu'elles soient anxieuses ou non) les trouveront simplement trop ennuyeux ou trop superficiels. 

«Si l'on a grandi en associant Noël à des moments familiaux difficiles ou complexes, ces films ne seront pas forcément aussi réconfortants, admet la psychologue. Mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle de nombreuses personnes n'apprécient pas ce type de production: l'omniprésence des stéréotypes, le manque de profondeur du scénario et le côté répétitif peuvent simplement s'avérer lassants, peu importe notre passé ou nos souvenirs de Noël.» 

Pas de généralités, donc, en matière de films. Votre attrait pour «Love Actually» ne signifie pas que vous êtes hypersensible. Et votre répulsion viscérale pour «La Princesse de Chicago» (une autre pépite Netflix) ne fait pas de vous un être stoïque. Cela suggère juste que votre tolérance pour les paillettes en sucre d'orge est plus ou moins élevée. 

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