Thomas Meier aimerait simplement pouvoir reprendre le travail. Mais depuis un an, son atelier de cordonnerie est à l'arrêt. Durant cette période, il a dû effectuer de longs sejours à l'hôpital et subir plusieurs opérations. A plusieurs reprises, il a frôlé la mort.
Mais revenons en arrière. En 2019, le cordonnier orthopédiste de formation déménage son entreprise de Zurich en Argovie. La clientèle afflue et les affaires vont bon train. Mais en novembre 2024, tout bascule.
Dans les faits, les premiers signes avant-coureurs sont déjà apparus des années auparavant: «La bactérie que je porte en moi, je l'ai depuis environ deux à trois ans, , raconte Thomas Meier à Blick. Depuis, je ne suis plus aussi productif». Au début, le cordonnier ne se doute pas du calvaire qui l'attend: «Tout a commencé par une inflammation à la jambe, qui a être soignée grâce à un traitement avec un antibiotique à large spectre.»
Deux arrêts cardiaques
Ce n'est que plus tard que Thomas Meier se rend compte que la bactérie n'a jamais disparu, mais qu'elle était seulement devenu temporairement inactive. «A la fin, j'étais tellement crevé que je devais déjà fermer mon magasin à 16h.» Comme si cela ne suffisait pas, ses dents commencent à se fissurer les unes après les autres.
En novembre 2024, il est admis à l'hôpital. En seulement deux jours, un petit bouton sur sa fesse se transforme en un dangereux abcès. Les médecins constatent forte inflammation, mais ils n'établissent aucun lien avec la bactérie dormante.
Seules 20 personnes touchées chaque année
Le cauchemar de Thomas Meier ne s'arrête pas là. Le cordonnier est contraint de passer un autre séjour à l'hôpital après une chute drastique de sa tension artérielle. Il est victime de deux arrêts cardiaques successifs. Fort heureusement, les médecins parviennent à chaque fois à faire repartir son coeur.
A partir de là, les séjours à l'hôpital se succèdent: infection de la cheville, triple pontage coronarien (ndlr: un type de chirurgie cardiaque), trois semaines de rééducation. Là seulement, les médecins découvrent quelle bactérie ravage son organisme. Et celle-ci est rare: chaque année, elle n'affecte que 20 personnes en Suisse.
Un talon noirci
«Il y avait des phases où je me sentais mieux, et parfois on me laissait rentrer chez moi. Mais ensuite, quelque chose revenait.» Les médecins découvrent une occlusion artérielle dans sa jambe droite. Une ampoule s'est formée au niveau de son talon, qui a noirci. Bien que l'ampoule guérisse rapidement, l'inflammation réapparait et devient incontrôlable. Les conséquences sont terribles: son talon doit être amputé.
«L'ablation de l'os du calcanéum a certesété un coup dur pour moi. Mais j'étais au moins sur la voie de la guérison», raconte-t-il. Grâce à sa formation de cordonnier, Thomas Meier sait depuis longtemps qu'il est possible de vivre sans talon. «Avec une chaussure spéciale, j'aurais aussi pu continuer à exercer mon métier sans problème». Mais les choses vont prendre une autre tournure.
Même l'amputation n'a pas suffi
«Peu de temps après l'opération, j'ai compris que si la plaie ne guérissait pas correctement, je devais m'attendre à une amputation de tout le pied». Et c'est exactement ce qui finit par se produire.
Dans les deux semaines qui suivent son opération du talon, la bactérie recommence à faire des ravages. Le diagnostic finit par tomber: «Tout le pied est atteint.»
«Une autre thérapie avec des médicaments aurait été trop risquée, poursuit Thomas Meier. Dans le pire des cas, il y aurait eu une septicémie, qui aurait pu aller jusqu'à la mort.» Finalement, c'est sa sœur aînée qui le convainc de rester à l'hôpital et de se soumettre à cette terrible opération. «J'ai été amputé du pied droit un mercredi soir»
Le choc a duré environ cinq minutes
Beaucoup vivraient cela comme un traumatisme. Thomas Meier, lui, reste étonnamment calme. «Le choc a duré environ cinq minutes, se souvient-il. Grâce à mes connaissances techniques, je savais toutefois que je recevrais une prothèse, que je devrais apprendre à marcher avec, mais qu'un jour, je pourrais à nouveau conduire une voiture et une moto et reprendre mon travail.» Depuis, la rééducation se déroule bien. Il prévoit même de reprendre son activité fin janvier.
La fermeture de son commerce une année durant a néanmoins a été difficile. «Heureusement, les fournisseurs ont été compréhensifs et j'ai pu reporter les échéances de paiement. J'ai été très touché par la réaction de mes partenaires. Ils m'ont dit: 'Vous paierez quand vous serez rétabli'. J'en ai presque eu les larmes aux yeux.»
Malgré ce terrible coup du sort, le cordonnier n'a rien perdu de son optimisme «Pour l'avenir, je souhaite pouvoir reprendre le travail.» Pour relancer son activité, un ami lui a proposé de récolter des fonds via une plateforme de crowdfunding. «Je dois avouer qu'au début, j'étais sceptique. Mais nous avons déjà récolté une belle somme. Je n'aurais jamais pensé à cela. Je suis reconnaissant pour chaque centime.»
Gratitude et espoir
Sa sœur aînée a été d'un soutien sans faille durant toute cette période. Elle ne l'a pas seulement soutenu sur le plan émotionnel, elle a également assumé une grande partie des tâches administratives de son entreprise. «Elle était ma deuxième conscience», confie Thomas Meier avec gratitude.
Après des mois de souffrances et de revers, Thomas Meier entrevoit enfin le bout du tunnel. Grâce à une prothèse, de la rééducation et au soutien de sa soeur, il entend bientôt reprendre le travail et faire ce qu'il aime le plus: fabriquer des chaussures pour les autres.