Des résultats «profondément inquiétants»
Les bactéries résistantes aux antibiotiques se multiplient dans le monde

L'OMS a tiré la sonnette d'alarme face à la forte propagation des bactéries résistantes aux antibiotiques: les taux de mortalité liés à certaines blessures mineures ou infections courantes pourraient augmenter de 70% d'ici à 2050.
Publié: 17:33 heures
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D'après une spécialiste citée par «The Guardian», le taux de mortalité lié à des infections communes pourrait augmenter de 70% d'ici à 2050.
Photo: Shutterstock
AFP/Ellen De Meester

Les résultats sont «profondément inquiétants», prévient l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans un nouveau rapport issu ce lundi 13 octobre. D'après leurs analyses, les superbactéries capables de résister aux antibiotiques sont actuellement en pleine expansion à l'échelle mondiale. 

En effet, en 2023, une infection bactérienne sur six, confirmée en laboratoire était concernée. «Alors que la résistance aux antibiotiques continue de progresser, nous manquons d'options thérapeutiques et mettons des vies en danger», a déploré, devant la presse, Yvan Hutin, chef du département Résistance aux antimicrobiens de l'OMS.

Car lorsque les bactéries parviennent à développer une résistance aux médicaments conçus pour les combattre, de nombreux traitements deviennent inefficaces, augmentant drastiquement le danger de certaines infections ou blessures communes. Ainsi que le souligne «The Guardian», une étude a démontré que les taux de mortalité liés à ces affections pourraient augmenter de 70% d'ici l'année 2050. 

Utilisation excessive d'antibiotiques

Selon l'OMS, les superbactéries résistantes aux antimicrobiens sont directement responsables de plus d'un million de décès et contribuent à près de cinq millions de décès chaque année.

Ce phénomène a été accéléré par l'utilisation massive d'antibiotiques pour traiter les humains, les animaux et l'alimentation, permettant à la résistance aux antimicrobiens (RAM) de se développer. Celle-ci représente aujourd'hui l'une des principales causes de mortalité infectieuse au monde.

40% des bactéries E. coli sont résistantes

Pour obtenir cet alarmant constat, l'OMS a estimé la résistance globale à 22 antibiotiques utilisés pour traiter les infections urinaires et gastro-intestinales, ainsi que les infections sanguines et la gonorrhée. Résultat: rien qu'entre 2018 et 2023, cette résistance a augmenté de plus de 40%, avec une hausse annuelle moyenne située entre 5 et 15%. Pour les infections urinaires, la résistance aux traitements couramment utilisés s'est généralement avérée supérieure à 30%, à l'échelle mondiale.

Le rapport a également examiné huit agents pathogènes bactériens courants, dont E.coli et K.pneumoniae, lesquels peuvent entraîner de graves infections sanguines susceptibles de provoquer la septicémie, une défaillance d'organe et, dans les cas les plus sérieux, le décès. Suite à ces analyses, l'OMS a pu estimer que plus de 40% des infections à E.coli et 55% des infections à K.pneumoniae dans le monde sont désormais résistantes aux céphalosporines de troisième génération, le traitement privilégié pour ces infections. 

Une menace pour le monde entier

À noter que la plupart des données collectées par l'OMS proviennent des régions dont les systèmes de santé sont plus fragiles et la surveillance moins stricte. En effet, environ 48% des pays partagent uniquement les informations provenant d'hôpitaux spécialisés dans le traitement des cas les plus graves: l'OMS estime ainsi qu'une infection sur trois est résistante dans l'Asie du Sud-Est, contre une sur cinq en Afrique. Peu surprise, Silvia Bertagnolio, responsable de l'unité de surveillance des RAM de l'OMS, a souligné que les régions plus vulnérables manquent souvent de capacités pour diagnostiquer ou traiter efficacement les agents pathogènes. 

«La résistance aux antimicrobiens dépasse les progrès de la médecine moderne, menaçant la santé des familles du monde entier», avertit Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS. Dans un rapport précédent, l'organisation avait déjà déploré l'insuffisance des nouveaux tests et traitements en cours de développement pour lutter contre la propagation croissante des bactéries résistantes aux antimicrobiens.

Ce qui laisse craindre une «menace future importante», pointe M. Hutin: l'utilisation croissante des antibiotiques, la résistance croissante et le manque de nouveaux tests et traitements efficaces constituent selon lui «une combinaison très dangereuse»

Il ne suffit plus de réduire l'utilisation des antibiotiques

Auprès du «Guardian», la Dre Manica Balasegaram, membre du Global Antibiotic Research and Development Partnership, constate que le problème vient, en partie, d'une difficulté à fournir les bons antibiotiques aux personnes qui en ont besoin, et d'un manque de développement des traitements adaptés. 

La spécialiste souligne en outre qu'une réduction de la prise d'antibiotiques, lorsqu'ils ne sont pas nécessaires, ne suffira plus: «Jusqu'ici, nous avons surtout insisté sur l'utilisation excessive de ces médicaments, rappelle-t-elle. Mais pour éviter d'atteindre un point de non-retour, il faut absolument concentrer nos efforts sur l'innovation et promouvoir l'utilisation correcte des antibiotiques.» 

Pour elle, il ne suffit plus de développer davantage de médicaments: «Il faut produire les bons, ceux qui visent les infections dont l'impact est le plus important. Nous peinons à remplacer les antibiotiques concernés par la résistance, et le rapport de l'OMS prouve que nous commençons à en subir les conséquences.»

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