«Belle, mais illégale»
La maison de ses rêves va être détruite par les pelleteuses ce mercredi

Peter Jenny se bat depuis des décennies pour la maison de ses rêves. Malgré l'arrêt des travaux, il a continué à construire pour la protéger des glissements de terrain. La commune ne l'entend pas de cette oreille: bientôt, les pelleteuses détruiront des parties.
Publié: 14.10.2025 à 21:01 heures
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Peter Jenny sur le toit de son chalet, à plus de 1000 mètres d'altitude.
Photo: Raphaël Dupain
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Raphaël Dupain
Sebastian Babic, Florin Schranz et Raphaël Dupain

Il y a bientôt 45 ans, Peter Jenny, originaire de Rothenburg (LU), a acheté une ferme délabrée sur les hauteurs de Sarnen (OW). Il a transporté des tonnes de pierres et de bois jusqu’au sommet de la pente, déplacé de la terre et construit peu à peu, à la seule force de ses bras, la maison de ses rêves. Le problème, c'est que la parcelle se situe en dehors d'une zone à bâtir. Les travaux n’y sont autorisés que sous des conditions très strictes. Or, une partie des extensions et transformations a été réalisée sans autorisation. Depuis, Peter Jenny est en conflit avec la commune, et ce, depuis des décennies.

Cette dernière a désormais perdu patience et sortira les pelleteuses le 15 octobre. Certaines constructions illégales seront démolies aux frais de Peter Jenny, sur la base de plusieurs jugements du Tribunal fédéral. L’homme est anéanti: «Vous détruisez l’œuvre de ma vie! Je voulais seulement protéger ma propriété des forces de la nature.» 

Une maison en ruine

Rembobinons. En hiver 1980, Peter Jenny tombe par hasard sur une annonce proposant une ancienne ferme accompagnée d’environ 3,5 hectares de terrain. Séduit, il saute sur l’occasion, une décision qui marquera toute sa vie.

La vue est spectaculaire, mais la maison en ruine: pas d’eau potable, pas d’électricité, pas de droit d’accès. Deux ans plus tard, Peter Jenny enfile son pantalon de travail et se lance dans les premières rénovations, qu’il effectue presque entièrement seul. Il s’attaque d’abord aux urgences.

Un rêve semé d'embûches

Mais la situation du bâtiment, sur un terrain escarpé, entraîne des problèmes. Entre 1982 et 1995, les inondations et glissements de terrain se succèdent. «La police locale m’a demandé de maîtriser la situation, alors j’ai construit des murs de protection, des drainages et terrassé une partie du terrain», raconte-t-il. Il reconnaît ne pas avoir demandé de permis: «Je voulais seulement protéger ma propriété. C’est un droit, même sans autorisation!»

Les annexes les plus récentes (à droite) ne peuvent pas encore être démolies. Un recours est en cours.
Photo: Raphaël Dupain

Un coup du sort personnel le freine à partir de 1995: «La maison est restée vide la plupart du temps.» Il refuse d’en dire davantage. Plus tard, Peter Jenny reprend les travaux. Au fil des années, il ajoute de nouveaux aménagements... toujours sans autorisation. Selon lui, c'était uniquement pour se prémunir contre les dangers naturels. En 2004, une première décision d’arrêt des travaux tombe.

Peter Jenny continue malgré tout. En 2011, les autorités saisissent chez lui divers outils: une bétonnière, un compresseur et un marteau-piqueur. Il conteste jusqu’au Tribunal fédéral, sans succès.

Les pelleteuses se mettent en marche

Peter Jenny déborde d’énergie et de conviction. Avec la même ténacité qu’il a mis à bâtir sa maison, il se bat devant les tribunaux pour défendre sa vision de la justice. Il saisit le Tribunal fédéral à quatre reprises. A chaque fois, il perd. 

Mais le dernier jugement pourrait signer la fin du rêve. Trois recours restent en suspens – il affirme avoir été privé de son droit d’être entendu – mais selon la plus haute instance, une partie de la démolition peut être effectuée sans attendre. Et la commune semble décidée à agir, comme elle l’a confirmé à Blick: «Monsieur Jenny a toujours continué à construire malgré l’interdiction prononcée en 2004. Il n’y a jamais eu de permis, et tout ce qui a suivi est donc clairement illégal. Le 15 octobre, une partie des aménagements sera démantelée.» 

«Belle construction, mais illégale»

La commune ne ménage pas ses mots: «Les transformations qu'il a effectuées sont tout à fait plaisantes, mais elles restent illégales, comme l’ont confirmé toutes les instances judiciaires.»

Malgré ce constat, Peter Jenny reste convaincu d’avoir bien agi: «Ils devraient plutôt me faire citoyen d’honneur. J’ai développé cette zone seul et créé de la valeur pour les voisins et la commune!» En 2005, la commune lui interdit d’habiter sur place avec son épouse. «Pourtant, elle n’a jamais eu affaire à eux!» 

La commune campe sur ses positions: les pelleteuses entreront en action mercredi, sous protection policière. Une mesure «préventive», précise-t-elle, afin d’assurer un démantèlement sans incident. Peter Jenny, lui, reste combatif. Il espère encore sauver la maison de sa vie. Réponse mercredi.

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