Smartphones, éoliennes ou voitures électriques: sans certains métaux, la technologie moderne ne fonctionne pas. Bien que le marché des terres rares soit petit par rapport aux métaux lourds, son importance et sa demande mondiale augmentent. En 2024, le volume de production était de 390'000 tonnes.
Mais les terres rares ne sont extraites que dans quelques endroits dans le monde. L'approvisionnement mondial est fragile, la concurrence pour l'extraction, le raffinage et le recyclage sont intenses. Que sont exactement les terres rares? Quel rôle jouent-elles dans la géopolitique?
Des métaux lourds transformés en matière première high-tech
17 éléments chimiques, tous dotés de propriétés électroniques, magnétiques et catalytiques à la fois similaires et uniques, constituent le groupe des terres rares. Les gisements mondiaux sont estimés à environ 120 millions de tonnes. A titre de comparaison, les réserves mondiales de cuivre s'élèvent à environ 980 millions de tonnes.
Malgré leur nom, les terres rares sont très répandues dans la croûte terrestre et, à l'exception du prométhium radioactif, elles sont plus fréquentes que l'or ou l'argent. Leur concentration est toutefois rarement assez élevée pour que leur extraction soit économiquement rentable. Le plus grand gisement au monde se trouve dans le district chinois de Bayan Obo. Les terres rares y sont enfermées dans des roches de carbonatite formées par du magma solidifié.
L'extraction des terres rares est souvent un sous-produit de l'extraction de métaux lourds. Après que ces derniers ont été extraits, broyés et séparés, il reste un concentré mixte qui est séparé en différentes terres rares par des procédés de séparation chimique complexes.
La Chine produit, l'Occident reste dépendant
Environ 70% de la production mondiale de terres rares provient de Chine. Si l'on y ajoute le raffinage des terres rares importées et leur transformation, le pays contrôle 90% des chaînes d'approvisionnement mondiales. La plupart des exportations quittent le pays sous forme de produits manufacturés comme les batteries et les aimants.
Les Etats-Unis arrivent en deuxième position avec une production annuelle de 45'000 tonnes (Chine: 270'000 tonnes). La mine autrefois importante appelée Mountain Pass en Californie a été fermée en 2002 pour cause de non-rentabilité. Elle a été rouverte en 2010, notamment pour que les Etats-Unis soient moins dépendants de la Chine. Jusqu'à présent, les capacités de transformation font défaut. Les matières premières sont donc expédiées en Chine.
Le Myanmar, troisième puissance, en produit 8%, l'Australie, la Thaïlande et le Nigeria environ 3% chacun. La Suisse ne dispose pas de gisements importants de terres rares. L'industrie nationale – surtout la branche chimique et pharmaceutique – les importe principalement des pays de l'UE sous forme de produits semi-finis.
Pourquoi le plan de la Chine fonctionne
La domination du marché par la Chine n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat de décennies de planification. Depuis les années 1970, le pays investit massivement dans les technologies des matières premières et détient aujourd'hui de loin le plus grand nombre de brevets dans ce domaine.
Durant la même période, la production concurrente aux Etats-Unis et en Europe a pratiquement cessé en raison de réglementations environnementales strictes et de coûts de production élevés. Les nouveaux projets de développement sont difficiles à mettre en œuvre: les délais d'investissement sont longs, les exigences environnementales élevées et les prix bas chinois rendent les projets étrangers non rentables. De cette position de quasi-monopole découle un avantage stratégique pour la Chine et en même temps un moyen de pression apprécié.
Ainsi, dans le conflit commercial avec les Etats-Unis, Pékin a rapidement réagi en limitant les exportations de sept terres rares d'importance stratégique. De leur côté, les Etats-Unis - qui ont besoin d'environ 400 kilos de terres rares rien que pour la construction d'un avion de combat F-35 - s'efforcent de réduire leur dépendance et de trouver d'autres sources d'approvisionnement, par exemple par un accord sur les matières premières avec l'Ukraine ou par des projets d'exploration au Groenland.
Un fardeau pour l'environnement
Le néodyme, le dysprosium et le praséodyme sont nécessaires à la fabrication des aimants qui équipent les moteurs des voitures électriques. L'Agence internationale de l'énergie estime que la demande en terres rares va doubler d'ici à 2040 dans le cadre de la stratégie «zéro net». Parallèlement, leur extraction est une charge pour l'environnement.
Lors de l'extraction, les gisements libèrent des éléments radioactifs comme le thorium et l'uranium, qui ne sont généralement pas traités et se retrouvent dans l'air, l'eau et le sol. La séparation chimique des différentes terres rares nécessite en outre l'utilisation de différents acides dont les résidus sont toxiques et difficilement recyclables. Chaque tonne de terres rares extraite génère ainsi jusqu'à 2000 tonnes de déchets pollués. Et bien que des technologies de réduction des polluants existent, elles ne sont pas appliquées à grande échelle.
Le recyclage, une chance pour l'Europe
Le taux de recyclage des terres rares dans le monde n'est que d'environ 1%. Outre une collecte inefficace, des procédés chimiques complexes de séparation pour la récupération en sont responsables. Cela doit changer: l'UE a l'intention de couvrir 25% de ses besoins en sept terres rares stratégiques par le recyclage d'ici à 2030.
Pour cela, il faut de la recherche et des solutions innovantes, comme celle de Marie Perrin, doctorante à l'EPFZ, récemment récompensée par le Young Inventors Prize. Elle a développé un procédé simple permettant de récupérer les terres rares europium et yttrium dans les luminophores – des substances qui émettent de la lumière lorsqu'elles sont stimulées par de l'énergie.
Le Conseil fédéral mise quant à lui sur l'ouverture des marchés et a dans ce contexte supprimé tous les droits de douane industriels à partir de 2024. Au niveau international, les chaînes de création de valeur durables et le recyclage doivent être encouragés. Mais c'est un autre pays qui dépose le plus de brevets dans la lutte pour la récupération des terres rares: la Chine.
Les terres rares ne sont pas si rares que cela, mais leur extraction est très complexe et coûteuse. Elles sont le fondement de nombreuses technologies d'avenir – et en même temps leur risque. Leur extraction pollue et leur approvisionnement est délicat sur le plan géopolitique.
La course mondiale à l'accès, au traitement et à l'innovation est engagée depuis longtemps. Alors que la Chine domine, l'Occident cherche des réponses – avec le recyclage, la recherche et une meilleure coordination internationale. Mais jusqu'à ce que des chaînes de création de valeur durables et surtout indépendantes deviennent une réalité, le monde reste dépendant d'une matière première coûteuse, dans laquelle la Chine joue un rôle clé.