Donald Trump a finalisé son accord sur les ressources minérales. Mercredi soir, la délégation ukrainienne a paraphé à Washington un contrat accordant aux Etats-Unis des droits exclusifs d’extraction pour des matières premières stratégiques comme l’uranium, le lithium ou le graphite en Ukraine.
En échange, pas d’argent en espèces: les Etats-Unis «paient» ces droits d’exploitation par une aide militaire. Sans oublier, les armes livrées jusqu’ici à hauteur de 67 milliards de dollars ne sont pas concernées par l’accord et n’ont pas à être «remboursées» par Kiev via ces ressources naturelles.
Un levier de pression?
À première vue, cet accord ressemble à un levier de pression par lequel Trump chercherait à tenir l’Ukraine sous contrôle. Mais en réalité, ce partenariat pourrait bien être la meilleure chose qui soit arrivée à Volodymyr Zelensky et à son gouvernement.
Il est vrai que la volte-face américaine peut surprendre. Le même pays qui, sous Joe Biden, promettait encore un «soutien éternel» à l’Ukraine et appelait le monde à se lever contre la tyrannie de Vladimir Poutine, semble aujourd’hui privilégier ses intérêts économiques à toute boussole morale. Une approche désormais purement «transactionnelle», comme le disent les Américains: nous vous aidons volontiers… si nous y trouvons notre compte.
Bien mieux que les anciennes garanties de sécurité
Cette tendance en politique étrangère n’est pas nouvelle (on se souvient de l’«engagement» des Etats-Unis en Irak, riche en pétrole). Et elle n’est pas non plus exclusivement américaine: l’Union européenne a, elle aussi, signé en juillet 2021 un accord sur les minerais avec Kiev, pour garantir son accès aux gisements ukrainiens et réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine, leader mondial dans ce domaine.
Certes, l’accord américano-ukrainien n’offre pas de garanties de sécurité formelles à Kiev. Mais après des décennies de promesses non tenues, l’Ukraine accorde peu de crédit aux garanties verbales, hormis une hypothétique adhésion à l’OTAN, jugée irréaliste. En 1994, les Etats-Unis et la Russie s’étaient engagés dans le mémorandum de Budapest à respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine, en échange de quoi celle-ci renonçait à son arsenal nucléaire. On connaît la suite. La valeur de ces engagements s’est révélée nulle.
En revanche, l’accord sur les minerais pourrait offrir une nouvelle forme de sécurité: plus les entreprises américaines seront engagées dans l’exploitation des ressources ukrainiennes, plus les Etats-Unis auront intérêt à garantir la stabilité du pays face à la menace russe. Les bombes ne font pas bon ménage avec les affaires. Les Etats-Unis protégeront leurs investissements, ce qui renforcera automatiquement la sécurité de l’Ukraine.
L'accord sur les minerais a un hic
Une question persiste: les entreprises américaines seront-elles prêtes à investir massivement en Ukraine? L’accord leur déroule certes le tapis rouge, mais les obstacles restent nombreux. Si les ressources minérales du pays sont importantes – notamment à l’est et au nord – l’industrie minière y est encore peu développée (à l’exception des mines de charbon du Donbass, désormais occupées par la Russie).
Des conditions dangereuses, un environnement encore miné par la corruption – l’un des plus élevés d’Europe: le contexte est loin d’être idéal. Reste que Trump pourra présenter cet accord comme une grande victoire. Peut-être l’incitera-t-il à davantage de générosité militaire? Ce qui serait bienvenu, car l’Ukraine a un besoin urgent de nouvelles aides américaines.
Evidemment, Moscou ne reste pas les bras croisés face à ces nouveaux rapports de force. Le Kremlin a récemment laissé entendre qu’il serait ouvert à des accords similaires avec Washington. Et la Russie possède un potentiel minier bien supérieur à celui de l’Ukraine. Un tel accord pourrait soudainement bouleverser la dynamique du conflit. Car le business de la guerre reste brutal… et le restera, accord sur les minerais ou non.