Le Conseil national veut agir
Un pré-ado sur quatre fait l'expérience du harcèlement en ligne

Les jeunes et les enfants sont de plus en plus exposés au harcèlement en ligne, selon le rapport sur l'éducation 2023. Le Conseil national envisage d'ajouter le cyberharcèlement au Code pénal. Mais pour le Conseil fédéral, cela n'est pas nécessaire.
Publié: 08.03.2023 à 06:09 heures
|
Dernière mise à jour: 08.03.2023 à 07:26 heures
Partager
Écouter
1/4
Le harcèlement se déplace toujours plus en ligne. Les jeunes filles sont deux fois plus concernées que les garçons.
Photo: Getty Images
RMS_Portrait_AUTOR_1050.JPG
Sophie Reinhardt

Swiper, liker, poster des vidéos: pour de nombreux jeunes Suisses, TikTok, Snapchat ou encore WhatsApp font déjà partie du quotidien. Un enfant de 8 ans sur quatre possède déjà son propre smartphone. Chez les jeunes de 13 ans, ce chiffre monte à plus de 70%. En semaine, ces préados sont connectés en moyenne deux heures par jour, et trois le week-end.

Si les réseaux sociaux permettent d’entretenir les liens sociaux et de se distraire, leur utilisation n’est pas sans conséquence. «Des faits de harcèlement sont plus souvent commis dans l’espace virtuel», prévient le rapport sur l’éducation 2023 publié mardi. Ce texte a été élaboré par le Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation (CSRE) sur mandat du Secrétariat d’État à la formation et de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique.

Les filles plus souvent touchées

En comparaison internationale, un taux élevé d’enfants et d’adolescents subit du harcèlement plus d’une fois par mois en Suisse. Selon le rapport, les experts estiment que les jeunes sont désormais autant touchés par le cyberharcèlement que par le harcèlement dans la vie physique.

Un quart des jeunes Suisses auraient déjà été «attaqués personnellement» sur Internet, et une personne sur six a vu des images ou des messages insultants à son sujet. Les filles sont presque deux fois plus touchées que les garçons, peut-on lire dans le rapport. Jusqu’à 5% de tous les enfants et adolescents souffriraient au moins une fois par semaine d’intimidation et/ou de cyberintimidation.

Le cas de Céline, 13 ans, illustre le fait que la haine et l’incitation à la haine sur Internet peuvent avoir des conséquences fatales. Cette jeune fille s’est suicidée en 2020. Avant de se mettre un terme à sa vie, elle avait été menacée et insultée en ligne. Un adolescent de 14 ans lui avait demandé à plusieurs reprises de lui envoyer des images dénudées. Il a menacé de publier d’autres photographies qu’elle lui avait déjà envoyées. Le Tribunal des mineurs de Dietikon (ZH) a condamné l’auteur de ces messages pour contrainte.

«Effet dissuasif»

La mort de Céline a déclenché un débat dans toute la Suisse sur le harcèlement sur les réseaux sociaux. Depuis, les parents de la jeune fille s’engagent pour que le cyberharcèlement devienne une infraction pénale. Comme c’est le cas en Autriche.

La conseillère nationale socialiste Gabriela Suter souhaite que la Suisse s’aligne sur le pays voisin. Elle est convaincue que le droit actuel ne tient pas compte de la réalité numérique. Les actes qui se cachent derrière la haine sur Internet sont certes punissables, comme par exemple l’atteinte à l’honneur, les menaces ou l’incitation au suicide. Mais ce n’est pas suffisant à ses yeux.

«Le cyberharcèlement consiste en une série d’actes et d’attitudes ayant ensemble un effet sur la victime», explique Gabriela Suter. C’est pourquoi elle a demandé dès 2020 la création d’un nouveau délit dans le code pénal. Celui-ci aurait également un effet préventif et dissuasif, argumente la politicienne PS. Le Conseil national a approuvé cette demande en décembre dernier, à une large majorité.

Le Code pénal est-il suffisant?

«Si le cyberharcèlement est si grave, c’est parce qu’il suffit d’une seule image diffusée sur les réseaux sociaux. Elle atteint alors un public très étendu et ne peut pratiquement plus être effacée», explique Gabriela Suter.

La commission juridique compétente du Conseil des États ne veut pas d’une telle modification de la loi: lors de ses délibérations en janvier, elle est arrivée à la conclusion que le droit pénal actuel était suffisant. La commission critique le fait que la proposition du Conseil national conduirait à une «extension considérable de la punissabilité».

Le Conseil fédéral ne voit pas la nécessité d’agir

Le Conseil fédéral ne considère pas non plus qu’il soit urgent d’adapter la jurisprudence à l’ère d’Internet. Selon un rapport qu’il a commandé, le droit pénal actuel protège suffisamment les victimes de mobbing. Selon ce rapport, la punissabilité des délits commis sur Internet n’échoue généralement pas parce que les actes ne sont pas couverts par le droit pénal. Le problème réside plutôt dans le fait que les auteurs agissent généralement de manière anonyme en ligne. Cela rend la poursuite pénale plus difficile.

Mais Gabriela Suter n’accepte pas cet argument: «Bien que les auteurs profitent parfois de l’anonymat d’Internet pour dissimuler leur identité, ils sont généralement issus du cercle de connaissances de la victime.» C’est ce qui s’est passé dans le cas de Céline. Le jeune homme condamné était son ex-petit ami.

Le Conseil des États va maintenant devoir se pencher sur la question de savoir si la loi doit être complétée par un article sur le cyberharcèlement.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la