«Ils crachent, nous frappons.» Le président américain Donald Trump a réagi avec fermeté contre les protestations de Los Angeles. Non seulement il a fait appel à la garde nationale, mais aussi à des centaines de Marines, alors que la Californie y était opposée. D'après le gouverneur Gavin Newsom, il s'agit d'une «grave atteinte à la souveraineté de l'Etat fédéral». Mais Trump veut interdire toute résistance à sa politique migratoire, pourtant controversée.
De son côté, l'armée suisse est régulièrement appelée à effectuer des missions civiles à l'intérieur du pays, comme après l'éboulement de Blatten (VS). Mais l'armée est aussi intervenue pendant la pandémie de Covid-19, ou encore lors du Forum économique mondial (WEF) de Davos, ou bien pour surveiller des ambassades – parfois sans la formation nécessaire, mais avec de vraies munitions. Néanmoins, l'armée aux Etats-Unis a passé un cap supérieur contre les manifestants, l'armée suisse pourrait-elle en faire autant contre une partie de la population?
Un cap déjà franchi
En réalité, l'armée a déjà franchi ce cap lors de la grève nationale de 1918, l'un des chapitres les plus sombres de notre armée. Les militaires ont dispersé les grévistes et tiré des coups de feu à Granges (SO), coûtant la vie à trois civils.
Autre épisode dramatique: lors d'une manifestation de 1932 à Genève, des militants du Parti Socialiste (PS) ont protesté contre une réunion fasciste dans la ville. Craignant pour l'ordre public, le gouvernement genevois a appelé l'armée à la rescousse. Mais l'engagement de jeunes recrues, d'officiers inexpérimentés cumulés à des ordres erronés ne pouvait que mal se terminer. Des recrues ont ouvert le feu sur les manifestants antifascistes. Triste bilan: 13 morts et 65 blessés.
Ces deux épisodes se sont produits il y a longtemps, mais aujourd'hui encore, le Parlement ou, en cas d'urgence, le Conseil fédéral à lui tout seul, peut convoquer l'armée à la demande des cantons «lorsque les moyens des autorités civiles ne suffisent plus à écarter des menaces graves contre la sécurité intérieure», selon la Constitution fédérale.
Les armes «en dernier recours»
Dans ce contexte, les soldats ont des compétences étendues par la loi militaire. Ils peuvent arrêter des personnes, les contrôler, les fouiller et les retenir brièvement jusqu'à l'arrivée de la police. En cas de nécessité, ils ont aussi le droit de faire usage de la force physique, de moyens auxiliaires ou, «en dernier recours», de leur arme «de manière appropriée aux circonstances».
L'intervention militaire contre les manifestants a d'ailleurs suscité plusieurs débats, par exemple en 1973, lors des protestations contre la construction d'une centrale nucléaire à Kaiseraugst (AG). Le Conseil fédéral avait alors envisagé de faire évacuer le terrain occupé par l'armée, mais le conseiller fédéral socialiste Willi Ritschard s'y était opposé et avait menacé de démissionner si des soldats étaient engagés.
De même en 2020, l'armée a fait polémique après s'être entraînée à intervenir contre des manifestants pour le climat lors d'un exercice. En effet, peu après une visite de l'activiste Greta Thunberg à Lausanne, les soldats ont répété, sous le nom de «Nostro Clima», le scénario fictif d'une bataille de rue avec des activistes écologistes violents.