L'avis d'un expert en droit du travail
Cette société immobilière suisse traite-t-elle légalement ses employés?

D'anciens employés du géant suisse de l'immobilier Betterhomes ont pris la parole pour dénoncer leurs conditions de travail: pas de salaire fixe, des vacances non payées et une clause de non-concurrence. Mais est-ce bien légal? Interview d'un expert en droit du travail.
Publié: 06:47 heures
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Dernière mise à jour: 07:23 heures
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Roger Rudolph, professeur de droit du travail à l'université de Zurich, analyse les conditions de travail de Betterhomes.
Photo: UZH
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Dorothea Vollenweider

Salaire uniquement à la commission, absence de revenu pendant les vacances et interdiction stricte de travailler pour la concurrence: telles sont les conditions de travail que doivent subir les employés de la société suisse de courtage immobilier Betterhomes, selon une enquête de Blick. De son côté, l'entreprise assure il n’y a aucune violation du droit du travail.

Mais jusqu’où un employeur peut-il aller? Blick a soumis certaines clauses du contrat de travail de l’un des ex-employés de la société à Roger Rudolph, professeur de droit du travail à l’Université de Zurich.

Roger Rudolph, les employés de Betterhomes n'ont pas de salaire fixe, qu'ils soient agents immobiliers ou chefs d'équipe. Ils travaillent entièrement à la commission. Est-ce bien légal?
Même lorsqu’un employé est rémunéré uniquement à la commission, il a droit à un revenu minimum jugé «approprié». Si ce n’est pas le cas, il peut saisir la justice pour réclamer la différence.

Qu’entendez-vous par «approprié»?
C’est au tribunal de trancher en cas de litige. Mais il est clair qu’il ne s’agit pas simplement du minimum vital. Selon l’activité, les juges ont déjà considéré par le passé qu’un revenu compris entre 4000 et 6000 francs par mois constituait un montant approprié.

Et pour les vacances, qu’en est-il?
Les employés rémunérés à la commission ont bien sûr droit à un salaire pendant leurs congés. Il n’est pas admissible de ne rien leur verser. En principe, la base de calcul correspond à la moyenne de leurs gains précédents.

Le contrat de Betterhomes prévoit, en cas de départ, une clause de non-concurrence de deux ans assortie d’une pénalité. A nouveau, est-ce légal?
Les clauses de non-concurrence après la fin du contrat sont en principe possibles, mais elles sont strictement encadrées par la loi. L’employé doit par exemple avoir eu accès aux données liées à la clientèle ou à des secrets de fabrication. Il faut également qu’un risque de préjudice important existe. Enfin, la clause doit être limitée de manière raisonnable dans le temps et l’espace, ainsi que dans son objet.

Et si c’est l’employeur qui licencie?
En règle générale, dans ce cas, la clause de non-concurrence tombe d’elle-même. Tout dépend ensuite de la situation particulière, mais il est tout à fait possible qu’une telle clause ne s’applique pas, même si elle figure dans le contrat.

Beaucoup d’anciens employés disent ne pas pouvoir payer la pénalité prévue – l’équivalent d’un demi-salaire annuel – et sont convoqués devant le juge de paix. Ont-ils des chances de gagner?
La demande n’est valable que si les conditions légales évoquées plus tôt sont réunies et si une véritable concurrence existe. Ce n’est souvent pas le cas. Dans ces situations, les employés ont de solides arguments pour se défendre, y compris devant la justice.

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