Dans le secteur de l'acier et de l'aluminium, on est habitué à de fortes chaleurs. Les fours atteignent des températures de plusieurs centaines de degrés, voire au-dessus de 1000 degrés. Mais des décisions politiques telles que le marteau tarifaire de Trump font grimper davantage la température. Et cela devient insupportable pour les actifs du secteur.
Les entreprises suisses de l'acier et de l'aluminium n'exportent certes guère vers les Etats-Unis, mais leurs PME clientes oui, et elles doivent payer depuis plusieurs mois des droits de douane élevés sur les composants en acier ou en aluminium qui ne proviennent pas des USA. Il y a deux mois, le président américain Donald Trump a même doublé ce droit de douane, le faisant passer à 50%.
L'entreprise Pestalozzi Stahltechnik, dont le siège est à Dietikon, dans le canton de Zurich, en fait également les frais. «Nos clients, qui exportent beaucoup vers les Etats-Unis, sont très fortement touchés», explique Davide Abbamonte, responsable de la division acier. Si les clients ne sont plus compétitifs en raison des droits de douane sur l'acier et l'aluminium aux USA, l'entreprise risque de subir une «perte de chiffre d'affaires très importante», précise-t-il.
La situation va «encore s'aggraver»
A partir d'aujourd'hui, un nouveau coup bas vient s'ajouter à la liste: le droit de douane de 39% sur les exportations suisses vers les Etats-Unis. La situation va donc «encore nettement s'aggraver», selon Davide Abbamonte. L'entreprise a déjà introduit le chômage partiel il y a douze mois en raison de la situation difficile dans le secteur. «Une guerre commerciale et les droits de douane qui en découlent nous forcent à prolonger le chômage partiel de 18 mois et, en cas d'urgence, nous dépendons aussi de décisions politiques pour que le chômage partiel soit à nouveau prolongé», explique Davide Abbamonte.
Ces dernières années, le secteur a connu de nombreux licenciements: la situation était déjà difficile sans les droits de douane américains. «En réalité, l'industrie mondiale est en crise depuis longtemps», explique Patrick Puddu, directeur financier chez Stahl Gerlafingen.
Stahl Gerlafingen produit environ la moitié de l'acier à béton utilisé en Suisse à partir de ferraille d'acier. Mais cette activité est également touchée par les droits de douane: ils bouleversent les prix des matières premières, ce qui pèse encore plus sur la branche. «Nous constatons que certains fournisseurs profitent des droits de douane dans le domaine des matières premières pour imposer des prix plus élevés sur le marché», explique Patrick Puddu. Stahl Gerlafingen s'attend donc à des coûts supplémentaires considérables pour l'achat de matières premières destinées à la production d'acier. Une mauvaise nouvelle pour un secteur qui doit faire face à des coûts de production élevés en Suisse.
Le premier mandat de Trump en tant que président des Etats-Unis a déjà laissé des traces chez Stahl Gerlafingen. En effet, il avait alors déjà introduit des droits de douane punitifs sur l'acier et l'aluminium étrangers. L'UE a répliqué avec des contre-taxes de 25%, qui s'appliquent également à la Suisse et sont toujours en vigueur. «En raison des droits de douane punitifs de l'UE sur l'acier suisse, Stahl Gerlafingen a dû abandonner ses exportations d'acier profilé en 2024 et fermer la ligne de production correspondante», explique Patrick Puddu. En conséquence, 95 emplois avaient dû être supprimés.
Aides transitoires pour certaines entreprises
A l'automne dernier, l'entreprise était sur le point de licencier 120 autres personnes. Mais le Conseil fédéral a alors décidé d'offrir des aides transitoires à quatre entreprises de la branche. Gerlafingen y a eu recours et a renoncé au licenciement collectif. Swiss Steel profite également de ces aides. Constellium et Novelis ont refusé. Ces aides sont liées à des conditions claires: pas de bonus pour la direction, pas de dividendes aux propriétaires et une feuille de route pour la réduction des émissions de CO2.
L'association professionnelle Metaltec Suisse demande que l'industrie bénéficie de meilleures conditions générales. Ainsi, le libre-échange doit être développé, les relations bilatérales avec l'UE renforcées, le chômage partiel étendu et le site suisse allégé. En d'autres termes, elle souhaite des prix de l'énergie plus bas et moins de bureaucratie. «Les nouveaux droits de douane constituent un désavantage concurrentiel massif. Alors que d'autres pays protègent leur industrie, la nôtre est abandonnée», déclare Andreas Steffes, directeur de Metaltec Suisse.
«En période difficile comme celle-ci, les charges réglementaires pour les entreprises doivent être réduites au strict minimum. Il faut également arrêter immédiatement la multiplication des démarches bureaucratiques inutiles, comme le renforcement des obligations de rapport sur la durabilité», déclare Davide Abbamonte. Il espère par ailleurs que les autorités suisses réussiront à faire baisser les droits de douane américains afin de préserver la compétitivité de l’industrie suisse.