Ce vendredi 12 décembre, le prix de l’or a atteint environ 4300 dollars l’once, retrouvant presque son niveau record d’octobre. Depuis le début de l’année, cette hausse s’élève à 42% – aucune autre classe d’actifs n’a connu une performance comparable.
La forte demande se fait particulièrement sentir auprès des négociants en or suisses, alors que la période précédant Noël attire traditionnellement de nombreux clients aux comptoirs et guichets. Outre les acheteurs locaux, de nombreux Allemands affluent dans les succursales. Avant la pandémie déjà, les commerçants constataient une forte hausse de la clientèle allemande. «Aujourd’hui, nous observons à nouveau une nette tendance à la hausse», explique Christian Iten, responsable des relations publiques du négociant Philoro, présent à Zurich et Wittenbach, près de Saint-Gall. Aujourd’hui, environ un client sur cinq vient d’Allemagne.
Des conditions avantageuses en Suisse
Pourquoi les Allemands se déplacent-ils pour acheter ou vendre de l’or en Suisse? L’une des raisons réside dans les règles plus souples en vigueur: jusqu’à 15'000 francs, l’or peut être acheté sans justification d’identité ou d’origine. En Allemagne, la limite est beaucoup plus basse et s'établit à 2000 euros. De plus, l’or d’une valeur maximale de 10'000 euros peut traverser la frontière sans déclaration obligatoire, aussi bien vers la Suisse que vers l’Allemagne. Du point de vue douanier, l’or est considéré comme de l’argent liquide. De ce fait, la plupart des acheteurs viennent en couples ou en familles, multipliant ainsi les limites d’exonération.
Souvenirs du conflit fiscal
L’augmentation du «tourisme de l’or» entre la Suisse et l’Allemagne fait parler d’elle dans les médias allemands. Dans un reportage de la chaîne SWR, des comparaisons sont faites avec l’époque où des évadés fiscaux allemands planquaient leurs avoirs en Suisse. Un porte-parole du bureau de douane principal d’Ulm, chargé des postes-frontières du sud-est de l’Allemagne, nuance toutefois ces comparaisons: «Il n’y a aucune similitude avec l’époque du litige fiscal, lorsque de grandes quantités d’argent liquide et d’or étaient saisies», explique-t-il à Blick.
Le porte-parole reconnaît néanmoins que l’absence de statistiques sur l’or importé légalement en dessous du seuil de déclaration empêche de mesurer l’ampleur réelle du phénomène. Mais il est certain que les seuils plus élevés en Suisse incitent certains Allemands à convertir des revenus non déclarés en or, car transporter de grosses sommes d’argent liquide comporte un risque important.
Une demande record et des raffineries débordées
Selon Philoro, deux pics de ventes se sont distingués en 2025: en février-mars, lors de l’intensification du conflit commercial aux Etats-Unis, et en septembre-octobre, pendant le rallye de l’or et de l’argent. «Il y a eu un énorme afflux de clients, et l’argent était particulièrement recherché», précise Christian Iten. Face à cette forte demande, certaines raffineries ont même dû suspendre temporairement leurs commandes. Avec l’approche de Noël, l’activité s’intensifie encore, et Philoro s’attend à ce que l’année 2025 soit globalement très fructueuse pour les métaux précieux.
Perspectives pour 2026
La plupart des économistes prévoient une nouvelle hausse des prix pour 2026. Dans ses perspectives pour le premier semestre, UBS estime le prix de l’or à environ 4500 dollars l’once, citant la baisse attendue des taux d’intérêt américains, les incertitudes géopolitiques et les risques liés aux élections de mi-mandat aux États-Unis. Christian Iten mentionne également les dettes publiques élevées, qui déprécient les devises – un phénomène que l’or peut partiellement compenser. Il souligne en outre la hausse des coûts de production. Toutefois, il met en garde: si certains de ces facteurs venaient à disparaître, une correction à la baisse du prix de l’or reste possible, compte tenu de son niveau actuel élevé.