Les jeunes médecins suisses ont perdu patience. Face au délai interminable pour obtenir leur titre de spécialiste auprès de l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM), l’Association Relève Médicale Suisse (ARMS) a déposé un recours au Tribunal administratif fédéral (TAF) pour «retard injustifié». C’est une première vague, mais d’autres suivront, indique l’association mardi 18 novembre sur LinkedIn.
Après près de 200 mises en demeure restées sans réponse et plus de 2’500 demandes en attente, facturées 4’000 francs chacune, la situation n’est plus tenable, martèle l’ARMS. Historiquement délivrés en deux ou trois mois, les titres se font désormais attendre plus de douze mois. Une dégradation qui met «en danger la relève médicale et l’offre de soins», rappelaient les 150 jeunes médecins à Blick à la mi-octobre.
Des explications qui ne passent plus
En réponse, l’ISFM invoquait un manque de personnel qualifié ou une complexité croissante des formations. Mais pour l’ARMS, ces justifications ne tiennent plus: «Les dossiers sont entièrement numérisés et une grande partie du travail repose déjà sur les médecins.»
Contactée par Blick, l’association juge cette situation «totalement incompréhensible. Il serait grand temps que l’ISFM se positionne en tant que partenaire et non comme un adversaire de la relève médicale.»
Les tensions ont pris une nouvelle tournure fin septembre avec la démission de Monika Brodmann Maeder, présidente de l’ISFM depuis cinq ans. Elle a été remplacée par un responsable ad interim. Pourtant, elle assurait encore un retour à trois mois de délai d’ici 2026 – une promesse que l’ARMS juge «totalement illusoire».
«C’est du marchandage»
La situation a également été évoquée lors de la Chambre médicale de la Fédération des médecins suisses (FMH) début du mois. Dans un communiqué daté du 6 novembre, la FMH affirme notamment vouloir améliorer les processus au sein de l’ISFM et recommande de réduire de 50% l’émolument pour les dossiers en attente depuis plus de six mois.
Cette dernière mesure a d'ailleurs été refusé par l'ISFM dans un courrier d’avocat adressé à l’association ARMS que Blick a pu consulter. «Ceci est inquiétant, car l’ISFM ne paraît plus se conformer à son organe de décision», complète le comité de jeunes médecins.
Les jeunes médecins accueillent donc froidement ces décisions: «C’est du marchandage. L’association n’est pas du tout satisfaite de cette réponse.» L’ARMS souligne que plusieurs sociétés suisses de spécialisation ont même proposé leur soutien pour traiter les dossiers. «L’ISFM n’a pas daigné leur répondre. Ou elle a carrément décliné leur proposition.»
De nombreux recours à venir
C’est précisément ce climat de «blocage inacceptable» qui a conduit au dépôt du recours: «On ne croit pas en la perspective que l’ISFM puisse réduire les délais dans un futur proche», insiste l’association des jeunes médecins.
De nombreux médecins membres de l’ARMS envisagent d’introduire à leur tour un recours pour «retard injustifié» dans un avenir proche, précise l'Association. «Nous voulons maintenir un rythme de croisière.»
«Si l’ISFM est condamné, la justice pourra l’obliger à délivrer les titres dans un délai fixé», espère le comité des jeunes médecins. Et plus largement, une condamnation pourrait ouvrir la voie à des actions civiles en réparation, car certains nouveaux praticiens n’ont pas pu ouvrir leur cabinet faute d’obtenir leur titre de spécialiste à temps.