«C'est désastreux»
Les médecins doivent attendre des mois pour obtenir leur titre de spécialiste

Les médecins suisses attendent actuellement deux fois plus longtemps que d'ordinaire pour obtenir leur titre de spécialiste. L'unique institut d'attribution est en crise: trop peu de personnel, trop de demandes. Les conséquences se font sentir.
Publié: 06.05.2025 à 20:11 heures
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Dernière mise à jour: 06.05.2025 à 20:17 heures
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En Suisse, tous les médecins spécialistes doivent se faire certifier auprès du même institut, l'ISFM.
Photo: Keystone
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Joschka Schaffner

La médecin Alina F.* est exaspérée. «On dit toujours qu'il y a une pénurie de personnel qualifié!» Le seul organisme en Suisse chargé de la certification des médecins spécialistes est à la limite de ses capacités. Au lieu de trois mois, le personnel formé attend actuellement plus du double de temps pour obtenir son titre. «C'est désastreux», déclare la médecin. Dans notre système de santé, tout le monde ressent la situation, même les patients.

La raison de l'explosion de ces temps d'attente? L'Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM), affilié à la Fédération des médecins suisses (FMH), souffre du même problème que sa branche.

Les médecins étrangers aggravent le problème

Selon des sources concordantes, plusieurs spécialistes chargés d'examiner les demandes sont absents en même temps. Cela pèse sur la situation déjà tendue du personnel dans les hôpitaux ou les cabinets et cela coûte aussi de l'argent! Blick explique comment cela a pu se produire.

Le conflit autour des titres de spécialisation est renforcé par l'arrivée de médecins étrangers. Ils sont censés atténuer la pénurie de spécialistes suisses, mais ils provoquent désormais encore plus de retards. «Dans de nombreux cas, des informations supplémentaires sont nécessaires pour pouvoir évaluer de manière fondée l'équivalence de la formation postgraduée», explique la présidente de l'ISFM, Monika Brodmann Mäder, interrogée par Blick.

Sur le site Internet de l'institut, seul un petit bandeau indique que le «nombre exceptionnellement élevé» de demandes de titres reçues entraîne des retards.

Monopole sur les titres de spécialiste?

Alina F. a déposé sa demande en décembre et attend toujours. «De plus, il est quasiment impossible de joindre l'institut par téléphone», déplore-t-elle. Les demandes de renseignements ne sont possibles que les jours ouvrables entre 13 et 17h. «Et même dans ce cas, on peut rester jusqu'à 45 minutes en attente.»

Pour Alina F., l'ISFM occupe avant tout une sorte de position de monopole dans l'attribution des titres. «Cela leur permet de faire ce qu'ils veulent», dit-elle, «et ce pour un prix de 4000 francs par demande». 

La médecin n'est pas la seule interne à être mise sur la touche. Elle connaît de nombreux collègues qui sont également concernés par les délais d'attente. Blick a également connaissance de plusieurs de ces cas.

Pertes de salaire de plusieurs milliers de francs

L'Association suisse des médecins-assistant(e)s et chef(fe)s de clinique (ASMAC) confirme la situation. «Le retard actuel de trois à quatre mois est un gros problème pour les demandeurs de titre», déclare le directeur adjoint Philipp Thüler. Cela pourrait également être problématique pour les hôpitaux ou les cabinets, car ils pourraient manquer de spécialistes.

«Pour les personnes concernées, cela a bien sûr aussi des conséquences financières», ajoute Philipp Thüler. Isabelle C.*, le confirme également de par sa propre expérience. Cette spécialiste a demandé son titre en 2023, avant même que l'ISFM ne rencontre des difficultés. En raison d'un vice de forme, la jeune femme a essuyé un refus au bout de trois mois. La deuxième tentative a de nouveau duré presque aussi longtemps. «J'ai certes pu travailler en tant que chef de clinique pendant cette période, mais je n'avais ni le salaire ni le titre correspondant», explique la médecin.

L'institut promet une amélioration prochaine

Avec la pénurie actuelle de spécialistes, cette situation s'aggrave encore pour les médecins assistants. Les personnes concernées doivent parfois renoncer à plusieurs milliers de francs de salaire, calcule Alina F.

L'institut lui-même promet une amélioration. Il a déjà réagi en engageant de nouveaux collaborateurs. «Nous sommes persuadés que les délais seront à nouveau plus court», déclare Monika Brodmann Mäder. Il existe désormais un service pour les cas de rigueur. Il s'agit de donner la priorité aux médecins qui ont besoin d'un titre de spécialiste pour s'installer dans un cabinet ou qui, sans ce titre, perdraient un poste prévu.

Selon Philipp Thüler, l'ASMAC est en échange permanent avec l'institut à cet effet. «Nous partons du principe que l'ISFM fait tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer et raccourcir le processus d'attribution du titre», dit-il. Sur la base des informations reçues par son association, de premières améliorations se dessineraient déjà.

* Nom modifié

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