Bastian Baker reste profondément marqué par les événements qu'il a traversés ces derniers jours. Parti pour une mission humanitaire d’aide à l'enfance en Afghanistan, le chanteur a finalement dû être évacué en urgence. «J’ai eu très peur!, confie-t-il. Je ne savais pas si je pourrais rentrer rapidement et en sécurité chez moi.»
Le musicien se remémore avec émotion ses cinq jours passés en tant qu'ambassadeur de l'UNICEF au sein de cet Etat dirigé d'une main de fer par les talibans. Sa mission initiale: venir en aide à des enfants sur place.
Mais en réalité, c'est un véritable ascenseur émotionnel qui l'attendait. En effet, lui et son équipe se sont soudainement retrouvés sans perspective de vol retour, sans argent, et sans passeport. Internet coupé dans tous le pays, ils ont été isolés du reste du monde.
Etat autoritaire... et en crise
L’Emirat islamique d’Afghanistan est l’un des pays les plus autoritaires de la planète. Sous le régime taliban, la charia s’applique avec une rigueur implacable. Les femmes sont largement privées de leurs droits. Fin 2024, leur oppression s’est encore accentuée, puisqu'elles ont été priées dans plusieurs régions de couvrir leurs fenêtres afin de ne pas pouvoir être vues de l’extérieur.
A cette situation dramatique en matière de droits humains s’ajoute l’une des pires crises humanitaires au monde. La quasi-totalité de la population vit dans la pauvreté, beaucoup d'habitants ont fui. Plus de 23 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire, et 20 millions souffrent de la faim.
Près d’un enfant sur deux de moins de cinq ans est sous-alimenté. Les perspectives d’amélioration sont nulles. Leur seul motif d'espoir: l’aide apportée par les organisations humanitaires.
Les talibans ont bloqué Internet
Après avoir atterri dans la capitale Kaboul, Bastian Baker et son équipe ont pris la route d'un camp de l’ONU situé dans la province de Bamiyan. «Le trajet a duré cinq heures. En arrivant, j’ai demandé s’il y avait du Wi-Fi», raconte-t-il. Réponse? «Les talibans l’ont coupé.»
Le premier soir, le chanteur a pris la situation avec légèreté, préférant se focaliser pleinement sur la préparation de sa mission prévue le lendemain. «Avant de partir, j’avais prévenu ma famille de ne pas s’attendre à recevoir de mes nouvelles, que la connexion risquait d’être compliquée. J’étais encore très détendu. C’est un peu ma nature.»
Le lendemain, le chanteur est allé visiter un hôpital. C'est alors que le chef de mission a réuni la délégation de sept personnes, afin de leur annoncer que la situation était «bien plus grave que prévu».
La mission stoppée net à un jour de la fin
A un jour de la fin de la mission, tout s’est arrêté net: «On nous a simplement dit qu’il fallait rentrer d’urgence à Kaboul.» Mais les avions étaient cloués au sol, les banques fermées, internet coupé, et les passeports systématiquement confisqués.
Dans de telles situations, les équipes suivent un protocole de sécurité strict établi par les Nations unies, destiné à protéger les collaborateurs et les intervenants. Une escorte policière a donc dû être organisée pour le retour, ce qui a pris deux jours. En attendant, ils ont tenté de suivre leur programme en réalisant le plus d'activités possibles.
L’ancien joueur de hockey sur glace, de son vrai nom Bastian Kaltenbacher, a ainsi visité des hôpitaux pour enfants, des écoles primaires et des villages reculés. Il y a distribué des vestes d’hiver et des couvertures. Il a également joué au volley-ball avec des garçons. Impossible toutefois de faire de la musique: une telle pratique est illégale en Afghanistan. Les talibans ont interdit le chant, la musique, tout ce qui est associé à la culture occidentale.
D'immenses défis logistiques
Le Vaudois assure avoir été profondément marqué par ces expériences: «Les plus pauvres essaient de rester positifs, de trouver un peu de bonheur. Mais dans le regard des adultes, on voit à quel point la vie est dure pour eux. Les enfants, eux, ont encore cette lueur dans les yeux», confie-t-il.
Une rencontre, en particulier, l’a profondément affecté: celle d’une fillette d’un an et demi dans un hôpital pour enfants. «Je suis resté environ une demi-heure avec elle. Elle m’a souri tout le temps. C’est un souvenir qui m’accompagnera toute ma vie», confie-t-il. Pour Bastian Baker, participer à une mission de l’UNICEF est un privilège. Il dit avoir été touché par la joie avec laquelle les enfants apprennent, leur rire insouciant et la beauté du pays qu’il a découvert.
Sur le terrain, l’organisation humanitaire fait face à d’immenses défis logistiques. Les écoles et les hôpitaux des villages reculés sont difficiles d’accès, les voies de transport limitées, et de nombreuses régions isolées. Malgré les coupures d’électricité, les restrictions de déplacement et les risques sécuritaires, l’UNICEF continue de livrer des soins médicaux, des vaccins, de la nourriture, des programmes éducatifs et du matériel pour l’hiver.
Incertitude totale
Durant l’évacuation, Bastian Baker s’est retrouvé pour la première fois dans une situation d'extrême urgence. «Sur la route vers Kaboul, nous ne savions pas si nous allions être attaqués ou si la capitale allait être bombardée. C’était complètement fou. Nous étions en sécurité, mais l’incertitude me pesait énormément.» En quelques jours, le Vaudois est passé par toutes les émotions: la joie, l’espoir, la peur, puis le soulagement.
Bettina Junker, directrice générale d’Unicef Suisse et Liechtenstein, qui l’accompagnait sur place, témoigne: «En Afghanistan, j’ai vu à quel point la pauvreté des enfants et des familles est complexe, répandue et directement mortelle. Ils ont besoin de notre solidarité et de notre voix. La crise humanitaire et l’accès des filles à l’éducation sont au cœur de notre mission: si nous n’agissons pas maintenant, c’est toute une génération que nous perdrons.»
Peu avant leur départ de Kaboul, ils ont enfin pu récupérer leurs passeports. «Mais nous ne savions pas encore si nous pourrions fuir vers l’Ouzbékistan ou le Tadjikistan avec un avion de l’ONU.» Finalement, le groupe a été évacué via Dubaï avant de rentrer à Zurich. Ils ont atterri à Kloten samedi 4 octobre au matin. «Je suis reconnaissant d’avoir pu me rendre en Afghanistan, confie Bastian Baker. Les gens là-bas ont besoin de notre aide – pour que les enfants gardent cette lumière dans leurs yeux lorsqu’ils deviendront adultes.»