Durant des années, l'ancienne ministre de la Défense Viola Amherd a insisté sur le fait que les 36 avions F-35 seraient vendus à un prix fixe de 6 milliards de francs. Mais surprise: les Etats-Unis ont changé d'avis, et ne veulent finalement plus rien savoir. Si elle ne souhaite pas renoncer à ses avions, la Suisse n'a d'autre choix que de payer 1,3 milliard en plus. Viola Amherd a laissé ce dossier brûlant à son successeur, Martin Pfister, qui doit désormais recoller les morceaux.
Mais l'Union démocratique du centre (UDC) ne veut pas laisser la Valaisanne s'en tirer aussi facilement. Le parti bourgeois souhaite que le Conseil fédéral prenne toutes les mesures nécessaires pour engager la responsabilité de Viola Amherd et des autres personnes concernées. «Nous ne savons pas encore comment cette affaire se terminera», souligne le conseiller national et avocat Rémy Wyssmann. «C'est pourquoi il faut interrompre le délai de prescription, sans quoi nous n’aurons plus aucun moyen d’agir ultérieurement.»
«La responsabilité ne peut pas être déléguée»
Le parti ne nie pas que des erreurs puissent se produire, et reconnait aussi que ce n'est, au fond, pas la faute de Viola Amherd si les coûts de l'armement augmentent. Mais il estime toutefois que l'ancienne conseillère fédérale porte une part de responsabilité. «Elle a toujours insisté très fermement sur le prix fixe. On s'attend donc à prendre cette affirmation pour argent comptant», estime Rémy Wyssmann.
Mais pour l'UDC, c'est simple: c'est avant tout l'ancienne conseillère fédérale qui doit porter le chapeau pour cet échec. «La responsabilité ne peut pas être déléguée.»
Dans leur intervention, Rémy Wyssmann et ses collègues invoquent la loi sur la responsabilité, qui s'applique aussi aux membres du Conseil fédéral. «Les citoyens ordinaires sont responsables de la moindre erreur. Un simple retard dans l'envoi de la déclaration d'impôt entraîne des sanctions immédiates.» Une situation qui renforce, selon eux, le sentiment d’injustice et le fossé perçu entre la population et les élites dirigeantes.
«On me demande toujours pourquoi personne n'est responsable de la débâcle des F-35», assure Rémy Wyssmann. Ce qui l'agace, c'est qu'une fois de plus, personne n'est tenu pour responsable et que ce soit au contribuable de payer les pots cassés. Si Viola Amherd faisait l'objet d'une enquête, il serait imaginable, du moins en théorie, que l'ancienne conseillère fédérale doive assumer une part de responsabilité.
Pour l'égalité de traitement
Les expériences liées à la loi sur la responsabilité montrent que les personnes concernées sont rarement tenues pour responsables. Il y a toutefois des exceptions: dans son intervention, Rémy Wyssmann fait référence à la débâcle de la Banque cantonale de Soleure dans les années 1990, à l'issue de laquelle Pirmin Bischof, l'ancien vice-président du Conseil de banque et actuel conseiller aux Etats du Centre, aurait été tenu personnellement pour responsable.
«En raison de ce précédent, la conseillère fédérale Viola Amherd doit, elle aussi, être tenue pour responsable au sens de l'égalité de traitement», estime l'UDC. Mais le fait d'en arriver là dépend surtout de la volonté politique du Parlement. «Ceux qui sont haut placés sont-ils vraiment traités de la même manière que tous les autres?», se demande Rémy Wyssmann. «Le Parlement a désormais l'occasion d'envoyer un message fort, et ne pas simplement tout balayer sous le tapis.»