Adrian Wenger ne reçoit pas les médias dans son bureau, mais en plein air. «Venez à la chocolaterie sur le parking du musée Ballenberg», propose le responsable de l’approvisionnement en énergie de la commune de Brienzwiler. Ce musée en plein air, célèbre dans l’Oberland bernois, compte parmi les plus gros consommateurs d’électricité de la commune.
Pour le reste, Brienzwiler fournit surtout des ménages privés et de petites entreprises, environ 450 au total. Avec deux millions de kilowattheures vendus chaque année, la commune est sans doute l’un des plus petits fournisseurs de Suisse à gérer elle-même ses clients. Et Adrian Wenger n’y consacre qu’un demi-poste.
Comment tient-il le coup?
Comparée à d’autres, Brienzwiler reste minuscule. Les Services industriels de Bâle, où Adrian Wenger a également travaillé, livrent 1,3 térawattheure par an à leurs clients, soit 650 fois plus. Dans un secteur marqué par d’importants coûts fixes – calcul des tarifs, achat d’électricité, entretien du réseau –, la petite taille est souvent perçue comme un handicap.
Les grandes entreprises bénéficient d’économies d’échelle. Brienzwiler, elle, affiche des coûts légèrement supérieurs à la moyenne nationale, en particulier pour l’exploitation du réseau et les taxes. Mais cela s’explique surtout par la topographie et la structure de la zone desservie, précise Adrian Wenger. Certes, une petite entreprise supporte des coûts fixes plus élevés par client, mais elle gagne en réactivité et en souplesse. «Chez nous, au village, les distances sont courtes.»
La proximité avant tout
Pour Adrian Wenger, la proximité est le principal atout. Il connaît ses clients, et eux le connaissent. La majorité relève de l’approvisionnement de base, donc du monopole communal. «Même les quelques personnes qui pourraient s’approvisionner ailleurs restent chez nous», assure-t-il. Originaire du village, Adrian Wenger est parti travailler pour de grands fournisseurs dans le nord-ouest de la Suisse avant de revenir dans l’Oberland bernois et de reprendre l’entreprise, dirigée auparavant par son père.
A Brienzwiler, l’approvisionnement électrique relève de l’administration communale. En parallèle, Adrian Wenger dirige une entreprise privée de technique énergétique. Dans le cadre d’un mandat fixe, celle-ci peut être sollicitée pour certaines missions. Chaque mandat est contrôlé et validé par le conseil municipal, précise-t-il. Les plus importants sont soumis à un appel d’offres. Pour son poste à la commune, il a dû passer par une procédure de recrutement classique.
Une centrale hydroélectrique prospère
Gérer un réseau avec un taux d’occupation de 40% implique d’externaliser certaines tâches, comme le calcul des tarifs pour les autorités de surveillance. Pour l’exploitation du réseau, la commune collabore étroitement avec la société bernoise FMB. Si l’approvisionnement est libre, Adrian Wenger ne souhaite pas citer le fournisseur principal.
Seule une partie de l’électricité est achetée: depuis 35 ans, la petite centrale hydroélectrique de Trigli couvre environ la moitié des besoins du village. La commune en vend directement la moitié, l’autre étant reprise dans le cadre de la rétribution à prix coûtant (RPC).
S’y ajoute l’électricité solaire produite localement. En 2025, la commune rachète ce courant à 14 centimes le kilowattheure, soit seulement 2 centimes de moins que le prix facturé aux clients. Jusqu’ici, les tarifs étaient basés sur les coûts propres de la commune, donc justes, estime Adrian Wenger.
Mais dès 2026, de nouvelles règles entreront en vigueur, alignées sur les prix du marché de l’électricité, nettement plus bas. Une perspective qui a déplu aux propriétaires, obligeant Adrian Wenger à leur expliquer la baisse.
Manque d'effectifs
Pour Adrian Wenger, le principal point faible reste le manque d’effectifs. Avec un seul employé, il faut rapidement recourir à de l’aide extérieure dès qu’une situation inhabituelle se présente. «Nous remplissons notre mission conformément à la loi, insiste-t-il, mais il faut s’organiser différemment que dans une entreprise d’électricité de 300 personnes.»
L’idée de mutualiser le réseau avec une commune voisine ou d’externaliser complètement l’exploitation a déjà été discutée, mais toujours rejetée jusqu’ici. Wenger, lui, reste passionné: «Ce qui est fascinant, c’est de combiner une technologie vieille de cent ans avec l’innovation d’aujourd’hui.»