Elle a débuté vendredi
Pourquoi l'enquête parlementaire sur Credit Suisse pourrait bien décevoir

La première séance de la commission d'enquête parlementaire (CEP) sur Credit Suisse a eu lieu vendredi. La présidente, Isabelle Chassot, a appuyé sur l'accélérateur – et a commencé par décréter un embargo sur les informations transmises au public.
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La conseillère aux Etats fribourgeoise Isabelle Chassot est présidente de la CEP sur Credit Suisse.
Photo: keystone-sda.ch
Beat Schmid

Vendredi matin, à 7 heures, tout a commencé. Les membres de la commission d'enquête parlementaire (CEP) sur Credit Suisse (CS) se sont réunis pour leur première séance. Isabelle Chassot, la présidente de la commission, a laissé entendre, selon les participants, qu'elle voulait aller rapidement à l'essentiel.

La première chose à faire a donc été de décréter un blocage de la communication avec l'extérieur. Si elle le fait, seule la présidente doit communiquer avec le public. Tous les autres membres n'ont pas le droit de s'exprimer, comme l'a confirmé un membre de la CEP à Blick.

La nervosité est grande, tout comme les attentes envers la CEP. «Si nous devions décevoir, ce serait parce que nous aurions fait le travail que nous devons faire», a déclaré Isabelle Chassot après son élection jeudi dans une interview pour des quotidiens romands.

La CEP peut donc décevoir parce que son travail d'enquête se concentrera avant tout sur les autorités fédérales – c'est-à-dire le Conseil fédéral, l'Autorité de surveillance des marchés financiers et la Banque nationale. Et moins sur les managers des banques impliquées: Urs Rohner, Axel Lehmann, Thomas Gottstein ou Ueli Körner. Il existe d'autres instruments pour analyser la responsabilité des banques et de leurs organes, a déclaré la conseillère aux Etats fribourgeoise du groupe parlementaire du Centre.

Les attentes sont élevées

La population attend toutefois que la CEP se penche également sur les managers responsables de la grande banque qui s'est effondrée. Pour Daniela Schneeberger, membre de la commission, il est important d'impliquer «le plus grand nombre possible» de personnes concernées. «Outre les représentants de la Confédération, des tiers impliqués doivent également fournir des informations à la CEP», déclare la conseillère nationale PLR de Bâle-Campagne. Elle ne veut pas citer de noms de banquiers.

Mais la commission peut-elle vraiment convoquer de force des managers de banque? Les avis divergent à ce sujet. Selon les déclarations de deux membres, ce n'est pas possible. La CEP peut, certes, inviter des managers de banque, mais ceux-ci ne sont pas obligés de donner suite à l'invitation, explique un membre. L'obligation de participer aux auditions ne s'applique qu'aux employés de la Confédération et donc, par exemple, aux organes de la Finma et de la Banque nationale.

Est-ce vraiment le cas? Isabelle Chassot a laissé plusieurs questions sans réponse – y compris sur le blocage de la communication – et a renvoyé aux dispositions en vigueur de la loi sur le Parlement et au «devoir de discrétion complet» de toutes les personnes participant aux séances et aux interrogatoires. «Vous pouvez toutefois partir du principe que nous communiquerons de manière ouverte et transparente le moment venu», écrit-elle dans une réponse par e-mail.

«La CEP peut citer des tiers comme témoins»

Interrogé à ce sujet, Andrea Caroni, membre de la commission et conseiller aux Etats PLR, qui est également juriste, affirme en revanche que la CEP «peut citer des tiers comme témoins de manière juridiquement contraignante», et renvoie à deux articles de la loi sur le Parlement.

L'article 155 stipule qu'avant chaque audition, il faut déterminer si une personne doit témoigner en tant que personne de référence ou en tant que témoin. Cette distinction est importante: alors que «toute personne» est «tenue» de témoigner, «une personne faisant l'objet d'une enquête, en tout ou en partie, ne peut être interrogée qu'en qualité de personne appelée à donner des renseignements». Et celle-ci a le droit, selon l'article 155, de refuser de témoigner.

Il est probable qu'Urs Rohner ou Axel Lehmann soient interrogés en tant que témoins. Dans ce cas, ils doivent répondre à la convocation et donner des informations conformes à la vérité. Mais cela pourrait changer, notamment s'il s'avérait que des représentants des banques ont par exemple fait de fausses déclarations aux autorités. Dans ce cas, ils ne seraient plus des témoins, mais des personnes appelées à fournir des renseignements et pourraient refuser de témoigner.

Un membre de la CEP conseille de toute façon aux représentants des banques de coopérer le plus possible. «Je doute que ce soit une bonne idée de refuser une invitation – on ne fait que se nuire à soi-même.»

Les membres de la CEP risquent de perdre leur réputation

Mais les membres de la commission risquent également de ternir leur réputation. Ils peuvent, certes, entrer dans l'histoire, mais la chute sera d'autant plus violente s'ils ne parviennent pas à tirer de nouveaux enseignements de l'effondrement de Credit Suisse. La déception de la population serait grande – et les cinq millions de francs à disposition de la CEP de l'argent jeté par les fenêtres.

La plus grande partie de l'argent devrait d'ailleurs aller à des entreprises d'enquête externes, comme le dit un initié. Les cabinets d'avocats d'affaires spécialisés ou les sociétés de conseil en entreprise se frottent déjà les mains. Mais ce budget sera vite épuisé: «Cinq millions de francs suffisent pour deux expertises McKinsey (ndlr: le cabinet de conseil américain privé).»


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