Scandale de l'appel téléphonique
Après le clash avec Trump, l'UDC veut évincer Karin Keller-Sutter des négociations

Après les nouvelles révélations sur la conversation téléphonique de Trump avec Karin Keller-Sutter, le scepticisme grandit à Berne: la présidente de la Confédération doit-elle encore parler au président américain? Pour l'UDC, la réponse est claire.
Publié: 06:13 heures
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Dernière mise à jour: 07:08 heures
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Le coup de massue des 39%: le président américain Donald Trump a imposé le 1er août de lourds droits de douane punitifs à la Suisse.
Photo: Imago/Middle East Images
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Sven Altermatt

Rarement un appel téléphonique aura fait autant de bruit dans la politique suisse. Le 1er août, le président américain Donald Trump a annoncé des droits de douane punitifs de 39% contre la Suisse. La veille, la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter s’était entretenue avec lui au téléphone, une conversation qui suscite désormais une vive controverse. Selon les révélations de Blick, Trump se serait montré grossier envers la conseillère fédérale libérale-radicale et aurait rabaissé ses propres négociateurs.

Des sources américaines affirment de leur côté que l’attitude de Karin Keller-Sutter a provoqué l’échec d’un accord douanier. Trump se serait senti humilié par la présidente de la Confédération, qui lui aurait donné un «cours accéléré d’économie politique». Il aurait même déclaré à ses collaborateurs qu’il ne voulait plus jamais négocier avec elle.

Trop de dégâts causés?

Après cet appel, une chose semblait certaine à la Maison Blanche: tant que Karin Keller-Sutter restera présidente de la Confédération, il n’y aura pas de réduction des droits de douane pour la Suisse. «Il en a définitivement assez d’elle», a confié une source. Au final, il s’agirait avant tout d’un problème personnel.

Chaque camp défend sa version. Seul Donald Trump, imprévisible et changeant, sait réellement comment il perçoit Karin Keller-Sutter. Toujours est-il qu’il l’a qualifiée publiquement de «gentille» par la suite. Et c’est le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) qui a conduit les négociations, après avoir encouragé Karin Keller-Sutter à prendre directement contact avec Trump.

Malgré tout, même des parlementaires de droite se demandent s’il est encore opportun de laisser la présidente de la Confédération s’entretenir à nouveau avec lui, compte tenu du ressentiment qu’elle suscite. Une question taboue se pose alors: la présidente de la Confédération doit-elle forcément être l’interlocutrice principale du président américain?

Guy Parmelin comme alternative

Certains posent la question discrètement. «Avec Trump, le rapport personnel est décisif. La présidente de la Confédération n’y peut rien», confie un radical. D’autres vont plus loin et s’interrogent ouvertement sur la pertinence de confier la conduite des discussions au ministre de l’Economie Guy Parmelin, décrit comme une «figure de proue suisse» plus apte à débloquer le conflit douanier.

L’Union démocratique du centre (UDC), elle, assume sa position. «En principe, c’est au Conseil fédéral de décider qui mène les négociations. Notre gouvernement compte sept membres», souligne le conseiller national Franz Grüter. «Mais si les Américains sont aussi irrités contre la présidente de la Confédération, on ne peut pas l’ignorer. Il faut se questionner si Guy Parmelin ne devrait pas se charger des négociations.» Pour lui, le conseiller fédéral vaudois est un interlocuteur crédible, apprécié pour son calme et son expérience. «Dans d’éventuelles négociations finales, cela pourrait être un atout.»

Son collègue Roland Rino Büchel partage cette analyse. Selon lui, le Seco a fait du bon travail technique sous la conduite de Guy Parmelin et de la secrétaire d’Etat Helene Budliger Artieda. «Mais au bout du compte, trop de gens se sont immiscés dans le processus et la coordination avec la présidente de la Confédération n’a pas fonctionné.»

Rino Büchel place lui aussi ses espoirs sur Guy Parmelin: «C'est un négociateur intelligent, pragmatique, avec les pieds sur terre.» Il plaide aussi pour l’implication du président de la FIFA Gianni Infantino, capable selon lui d’ouvrir des portes auprès de Trump comme personne d’autre en Suisse.

Contre-offensive au Centre

D’autres voix, plus nuancées, prennent la défense de Karin Keller-Sutter. La conseillère nationale du Centre Elisabeth Schneider-Schneiter estime plausible que les Américains présentent désormais l’appel comme une escalade pour des raisons tactiques. «Les négociateurs de Trump sont en mauvaise posture face au succès des discussions avec la Suisse. Ils veulent sauver leur peau», avance-t-elle.

Elle reconnaît toutefois une chose. «Avec le protocole diplomatique classique, la Suisse n’ira pas loin.» Cela ne correspond pas à l’imprévisibilité de Donald Trump. «L’erreur a été de ne pas s’y préparer suffisamment à l’avance.» Elle appelle à des solutions non conventionnelles. «Il faut utiliser tous les canaux, y compris des contacts inhabituels. Avec Trump, l’alchimie personnelle compte énormément. Mais au final, c’est le Conseil fédéral qui fixe la stratégie.»

Qui mène le bal?

En arrière-plan, c’est aussi une question de pouvoir entre le département des Finances de Karin Keller-Sutter et le Seco de Guy Parmelin. Les intérêts partisans se mêlent aux négociations commerciales. Du côté de Karin Keller-Sutter, on affirme qu’il n’existe aucune preuve d’un conflit personnel avec la Maison Blanche.

Quant aux appels à son retrait, son porte-parole Pascal Hollenstein répond: «Karin Keller-Sutter a mené les entretiens avec le président Trump parce qu’elle est présidente de la Confédération. Lors des négociations avec la partie américaine, c’est le Seco qui a mené et qui continue de mener les discussions.»

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