Taxes douanières de Trump
L'Europe est-elle le dernier espoir pour sauver l'industrie suisse?

Les droits de douane frappent durement l'industrie suisse, comme le montrent les derniers chiffres de Swissmem. Des solutions créatives pour conclure des affaires avec les Etats-Unis et les Bilatérales III avec l'UE sont nécessaires.
Publié: 08:37 heures
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Dernière mise à jour: 08:41 heures
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Après le marteau des droits de douane déclenché par Trump, l'UE apparaît comme le dernier recours pour l'industrie suisse.
Photo: Keystone
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Christian Kolbe

La situation est effrayante: l'industrie suisse voit son chiffre d'affaires s'effondrer et la spirale descendante s'accélère. Sur l'ensemble du premier semestre, les chiffres d'affaires des entreprises ont baissé de 2,5%. Et ça, c'était encore avant le grand coup de marteau tarifaire de 39% que le président américain Donald Trump a infligé à la Suisse le 1er août passé.

Les entrées de commandes ont chuté de 13,4% pour les seuls mois d'avril à juin par rapport au trimestre précédent. «Il faut s'attendre à une accélération du recul des entrées de commandes dans les mois à venir. La récession industrielle actuelle risque de s'aggraver massivement», craint le président de Swissmem, Martin Hirzel, dans un entretien avec Blick.

Un impact sur toute la population

Selon Martin Hirzel, même des entreprises prospères auront moins de travail à l'avenir, avec les conséquences que cela implique pour l'emploi. Bien plus de 30'000 emplois pourraient être sur la sellette. «Nous le ressentirions tous, affirme-t-il. Comme avec le manque de salaires, ce qui affaiblirait l'économie intérieure.» 

Le nœud du problème est qu'il manque des alternatives aux activités américaines qui s'effondrent. L'ancien marché d'espoir qu'était l'Asie est en crise, les exportations vers cette région ont d'ailleurs nettement baissé au premier semestre. Il y a une grosse incertitude en raison de la guerre douanière déclenchée par les Etats-Unis. Résultat: de nombreuses entreprises se retiennent de passer des commandes et d'investir.

Quelle est la solution? La Suisse doit absolument essayer de trouver un accord avec les Etats-Unis: «Si les droits de douane de 39% restent en vigueur, la Suisse ne peut plus exporter vers les Etats-Unis.» Le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) est en train d'élaborer une liste d'offres aux Etats-Unis, révèle Martin Hirzel. Il ne veut pas en dire davantage pour éviter d'affaiblir la position de négociation de la Suisse, tout comme le Seco.

Il faut des solutions créatives

La priorité, pour l'instant, est de sauver les affaires déjà en cours avec les Etats-Unis. Environ 20% des exportations ne sont pas menacées, étant indispensables pour les entreprises américaines – indépendamment des taxes. «Il s'agit de produits certifiés, par exemple pour l'aéronautique et l'aérospatiale, qui ne sont pas facilement remplaçables», explique Martin Hirzel.

Pour les 80% restants, des solutions novatrices et créatives sont nécessaires. «Les entreprises facturent à leurs clients des 'prix de transfert'. Ceux-ci sont plus bas que le prix de vente final. Cette possibilité légale permet de réduire les droits de douane», explique Martin Hirzel. Le désavantage est que cela réduit la part de bénéfice en Suisse.

Autre possibilité: les entreprises renoncent à regrouper tous les produits en une seule livraison depuis la Suisse et à les envoyer aux Etats-Unis. Ce qui peut être acheté dans un pays où les droits de douane sont moins élevés peut être directement livré aux Etats-Unis. L'inconvénient: une complexification de la logistique et davantage de bureaucratie.

L'Europe, la bouée de sauvetage

L'Europe représente donc le dernier espoir pour la Suisse, d'autant plus que les exportations vers ses pays voisins ont connu une évolution à peu près stable. Environ un tiers des entreprises interrogées par Swissmem envisagent de délocaliser leur activité dans l'Union européenne (UE). «Ce n'est qu'après le choc du franc en 2015 que cette proportion séduisait plus», observe Martin Hirzel. «A l'époque, le franc fort avait rendu les importations si bon marché que la plupart des entreprises ont adapté leur modèle économique et ont choisi de rester.» 

Dans le contexte des droits douaniers, l'UE occupe une place de choix pour l'économie suisse: «Nous sommes des hommes d'affaires pragmatiques qui souhaitons avoir des relations stables avec notre principal débouché commercial», déclare Martin Hirzel. Raison pour laquelle Swissmem soutient unanimement les Bilatérales III. 

Il voit d'ailleurs un avantage dans une clause contractuelle vivement critiquée par les opposants à l'UE: «Si nous disposions d'un mécanisme de règlement des différends comme celui prévu dans les Bilatérales III avec les Etats-Unis, nous aurions un cadre formel pour contester les droits de douane.» Car la sécurité juridique est un facteur à ne pas sous-estimer à l'époque de Donald Trump.

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