La Suisse reste en contact avec les autorités compétentes aux Etats-Unis, a indiqué la Confédération un jour après l'annonce choc de Donald Trump sur les droits de douane. Les autorités continuent de privilégier une solution par la négociation avec Washington, sur fond d'alertes des économistes sur les conséquences pour le marché du travail.
Le gouvernement américain s'apprête à prélever dès le 7 août des droits de douane de 39% sur les importations de marchandises suisses, soit davantage encore que les 31% annoncés en avril, avant les négociations. C'est ce qui ressort d'une liste publiée dans la nuit de jeudi à vendredi par la Maison Blanche. Cette surtaxe est la cinquième plus élevée de tous les pays du monde.
Contact maintenu
Selon la Confédération, cette mesure s'écarte «considérablement» du projet de déclaration d'intention commune entre les deux pays, validé après des mois de discussions et approuvé par le Conseil fédéral le 4 juillet.
Selon les informations fournies par la Confédération, la Suisse reste en contact avec les autorités compétentes aux Etats-Unis. Toutefois, pour des raisons liées aux négociations, il n'est pas possible de fournir des informations plus précises, a déclaré samedi un porte-parole du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) à l'agence de presse Keystone-ATS.
La Suisse continue donc de rechercher «une solution négociée avec les Etats-Unis qui soit compatible à la fois avec l'ordre juridique helvétique et les obligations internationales existantes». Le Conseil fédéral analysera la nouvelle situation et décidera de la suite à donner, a-t-il ajouté.
Renégociation difficile
Les droits de douane seront «difficiles» a indiqué l'ancien négociateur de la Confédération Philippe Nell samedi sur les ondes de la RTS. Dans une interview diffusée dans le 12h30, l'ambassadeur honoraire a expliqué que le court délai ainsi que la masse de dossiers que doit gérer Donald Trump ne plaidaient pas en faveur de la Confédération.
«Pour que la Suisse revienne en haut de la pile, il faudra de nouveaux éléments dans ce dossier.» Il estime toutefois qu'il sera difficile d'en amener des nouveaux car la situation ne risque pas de changer rapidement. Philippe Nell plaide pour une reprise de la discussion avec l'administration américaine et Donald Trump plutôt que pour des sanctions. «On doit commencer avec l'administration, qui nous soutenait. C'est à elle de convaincre son président «, analyse-t-il.
«Déficit énorme»
Vendredi soir, le président américain Donald Trump avait qualifié le déficit commercial avec la Suisse d'«énorme». Selon lui, ce déficit s'élève à 40 milliards de dollars, comme l'ont rapporté les agences de presse italiennes Ansa et Adnkronos. M. Trump a fait cette déclaration devant les médias avant son voyage dans le New Jersey, lorsqu'on lui a demandé la raison du choix des 39%. «J'ai parlé hier avec la Suisse, mais nous avons un déficit de 40 milliards de dollars, c'est un problème», a ajouté le républicain.
Aux yeux de la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter, il faut toutefois regarder l'ensemble du bilan, et pas seulement l'excédent dans les échanges de marchandises. Ainsi, les Etats-Unis ont un excédent dans les exportations de services, la Suisse dans les exportations de marchandises, ce qui débouche sur une balance commerciale bilatérale équilibrée, a précisé le DEFR.
L'excédent suisse en matière d'exportations de marchandises «ne repose en aucun cas sur des pratiques commerciales déloyales». Au contraire: la Suisse a supprimé unilatéralement tous les droits de douane industriels au 1er janvier 2024, souligne la Confédération.
Plus de 99% de toutes les marchandises en provenance des Etats-Unis peuvent ainsi être importées en Suisse sans droits de douane. La Suisse ne pratique «aucune subvention industrielle susceptible de fausser le marché». Elle continue à promouvoir des relations commerciales diversifiées avec tous ses partenaires internationaux, des marchés ouverts et des conditions-cadres stables.
Menace sur l'emploi
Le professeur d'économie Hans Gersbach met en garde contre les conséquences des droits de douane sur le marché du travail suisse. Si les 39% annoncés sont introduits, il s'attend à une «augmentation massive» du chômage partiel et à des suppressions d'emplois dans les mois à venir.
Comme les surtaxes détérioreront fortement la compétitivité des producteurs suisses, il y aurait certainement des répercussions sur l'emploi dans l'industrie, a déclaré M. Gersbach dans une interview accordée aux journaux alémaniques de Tamedia. Selon le codirecteur du Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ (KOF), si des délocalisations de production devaient avoir lieu, cela entraînerait des répercussions supplémentaires sur le marché du travail suisse.
La manière dont sera traitée l'industrie pharmaceutique sera désormais déterminante, d'autant qu'elle représente plus de la moitié des exportations de marchandises vers les Etats-Unis. Si elle venait également à être pénalisée, cela entraînerait, selon les calculs de M. Gersbach, une «forte baisse» du produit intérieur brut d'au moins 0,7%.
Mais dans un premier temps, il faut continuer à tout mettre en œuvre pour parvenir à un accord avec Donald Trump, a ajouté M. Gersbach. «La priorité absolue est désormais de trouver un accord afin d'éviter ces droits de douane extrêmes.» En attendant, «une menace maximale» plane sur la Suisse, estime-t-il.