Droits de douane de Trump jugés illégaux
La Suisse peut-elle faire confiance à la justice américaine?

Un tribunal américain déclare illégales certaines taxes douanières de Trump, dont les 39% imposés sur des produits suisses. L'ancien président promet de porter l'affaire devant la Cour suprême. Berne reste prudente et mise sur une solution négociée.
Publié: 31.08.2025 à 17:00 heures
|
Dernière mise à jour: 31.08.2025 à 17:02 heures
Partager
Écouter
1/6
Un tribunal américain estime que les droits de douane de Donald Trump sont illégaux.
Photo: Brendan Smialowski
Raphael_Rauch (1).jpg
Raphael Rauch

Et soudain, une lueur d’espoir: les juges d’appel américains ont déclaré illégales certaines mesures douanières de Donald Trump. L’ancien président avait invoqué le droit d’urgence pour imposer des droits de douane punitifs – dont 39% sur des produits suisses. La présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter et le ministre de l’Economie Guy Parmelin avaient contesté ces mesures, en vain. Désormais, un haut tribunal américain estime que ces taxes n’ont pas de base légale. Mais la décision n’est pas définitive: Donald Trump a annoncé qu’il porterait l’affaire devant la Cour suprême.

Berne reste prudente

Le jugement freine la politique commerciale agressive de Donald Trump, mais rien n’indique que l’ancien président renoncera à sa ligne de conduite. A Berne, la réaction est restée mesurée. Selon des sources proches du dossier, le Conseil fédéral continue de miser sur une solution négociée: attendre simplement le verdict final de la Cour suprême serait trop risqué. «On nous a clairement dit que d’autres lois pourraient être appliquées», souffle-t-on dans la capitale. En clair: la Suisse ne pourra pas éviter un accord avec Donald Trump.

L’ancien président, de son côté, ne montre aucun signe de recul. Sur sa plateforme Truth Social, il a martelé: «TOUS LES DROITS DE DOUANE SONT TOUJOURS EN VIGUEUR!» Une suppression de ces taxes, selon lui, «détruirait littéralement» son pays.

Une issue incertaine à la Cour suprême

En réalité, l’imposition de droits de douane doit être approuvée par le Congrès. Donald Trump, lui, s’est appuyé sur le droit d’urgence. Le sort de l’affaire à la Cour suprême reste ouvert. La majorité conservatrice de ses juges ne garantit pas forcément une victoire à Trump: la politique douanière ne relève pas des clivages idéologiques classiques comme l’avortement.

Le juriste Alexander Lindemann estime que la procédure sera longue: «Nous nous attendons à un jugement début 2026», confie-t-il à Blick. Si la Cour suprême confirme la décision, les importateurs qui ont payé les 39% de taxes pourraient demander un remboursement. Mais rien n’est acquis. «Des principes comme la sécurité juridique ou la proportionnalité pourraient conduire à maintenir temporairement des taxes, même illégales», nuance le juriste Mark Cagienard.

Préparer tous les scénarios

Pour l’ancien diplomate et lobbyiste Thomas Borer, rien n’est joué : «Il n’est pas du tout certain que la Cour suprême accepte ce dossier. Si elle le refuse, la décision de la cour d’appel – favorable à la Suisse – s’imposerait.» Mais il rappelle que la plus haute juridiction américaine a, dans ses récents jugements, renforcé les pouvoirs de Donald Trump. Autrement dit, pour Berne, les décisions de justice aux États-Unis peuvent certes offrir des opportunités, mais elles restent trop imprévisibles pour servir de base solide à une stratégie commerciale.

Thomas Borer recommande donc la prudence: «Le Conseil fédéral devrait éviter les accords contraignants et se limiter à des déclarations d’intention jusqu’à ce que la situation juridique soit clarifiée.» Le déficit commercial, qui s’est réduit ces derniers mois, pourrait servir de levier dans les discussions.

La pression s’accentue sur la pharma suisse

Alors que le bras de fer judiciaire se prolonge, une nouvelle exigence américaine pointe à l’horizon. D’ici au 29 septembre, Donald Trump veut obliger des groupes comme Roche et Novartis à s’engager à réduire les prix de leurs médicaments sur ordonnance aux Etats-Unis.

Le directeur d’Interpharma René Buholzer prévient que cette politique pourrait avoir des conséquences en Suisse: «Si les entreprises pharmaceutiques perçoivent moins de recettes aux États-Unis, elles devront en générer davantage ailleurs, afin de financer la recherche», explique-t-il. «On n'acceptera pas un prix bas pour un petit marché très riche comme la Suisse, si cela compromet les prix sur le plus grand marché mondial qu'est l'Amérique.»

Une déclaration qui a fait bondir Pierre-Yves Maillard, conseiller d’Etat vaudois et président de l’Union syndicale suisse: «Les groupes pharmaceutiques doivent d’abord faire preuve de transparence sur leurs marges bénéficiaires. Il n’y aura pas de primes plus élevées.»

Un sommet sous tension le 25 septembre

Face à cette situation, la ministre de la Santé Elisabeth Baume-Schneider et Guy Parmelin convoquent un «sommet de crise pharmaceutique» le 25 septembre à Berne. La confrontation s’annonce vive: Elisabeth Baume-Schneider ne cache pas son opposition aux revendications de l’industrie. Par la voix de son porte-parole, elle rappelle que «les primes d’assurance maladie représentent déjà une charge financière importante pour de nombreuses personnes» et que la priorité doit rester «la maîtrise des coûts».

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la
Articles les plus lus
    Articles les plus lus