Critique du zigzag du DDPS
Des officiers se battent pour les armes suisses

La simple acquisition d'un nouveau pistolet militaire irrite les officiers suisses. Pour eux, cette situation illustre la nouvelle stratégie d'armement du Conseil fédéral, peut-être déjà obsolète.
Publié: 02:01 heures
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SIG Sauer souhaiterait rapatrier la production des nouveaux pistolets de l'armée en Suisse si le marché lui était attribué.
Photo: keystone-sda.ch
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Daniel Ballmer

Erich Muff ne tourne pas autour du pot. Il s'en prend à la nouvelle stratégie d'armement présentée par le Conseil fédéral il y a quelques semaines: «Cette politique de précipitation n'encourage pas la confiance», déclare le président d'OG Panzer, section spécialisée de la Société suisse des officiers (SSO). 

En effet, après le revers essuyé pendant l'achat des F-35 américains, le gouvernement voulait acheter jusqu'à 60% de son équipement de défense en Suisse, et 30% supplémentaires auprès d'un pays voisin. Cette stratégie permettait de sécuriser l'industrie de défense suisse et de renforcer ses capacités grâce à la production nationale. Seulement voilà: le Conseil fédéral semble déjà remettre en question sa toute nouvelle stratégie. A cause du conflit douanier avec Donald Trump, le ministre de la Défense Martin Pfister envisage soudain d'acheter plus d'armes aux Etats-Unis

Les officiers insistent

A l'inverse, l'OG Panzer veut miser sur les produits suisses, la seule façon pour lui de garantir la disponibilité des armes en cas d'urgence. Par exemple, l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse) prévoit d'acheter jusqu'à 100'000 nouveaux pistolets militaires pour un montant initial de 90 millions de francs.

Pour ce nouvel achat, trois fournisseurs sont en lice: l'autrichien Glock, l'allemand Heckler & Koch d'Allemagne et SIG Sauer. L'ancien groupe suisse fabrique actuellement son pistolet P320 aux Etats-Unis, mais garde une usine à Neuhausen am Rheinfall (SH). Cependant, le P320 est critiqué pour avoir provoqué des incidents de tirs involontaires, rapportés notamment par le «Tages-Anzeiger».

Ces critiques sont une véritable épine dans le pied des officiers suisses, qui affirment que ces incidents n'ont pas été prouvés. Sauf que dans le cas le plus récent, aux Etats-Unis, le tireur a été arrêté pour homicide par négligence. Dans un communiqué, l'OG Panzer affirme que des personnes tentent d'influencer la décision d'achat «avec de fausses informations». Pourtant, depuis des décennies déjà, l'armée fait bon usage des fusils d'assaut et autres pistolets produits par SIG Sauer. 

Approvisionnement à l'étranger

Par ailleurs, SIG Sauer est la seule solution suisse. Si le contrat lui est attribué, la société prévoit de délocaliser sa production de nouveaux pistolets militaires en Suisse. Au moins dix collaborateurs supplémentaires pourraient être embauchés seulement à Neuhausen, et environ 70 autres postes de travail pourraient être rattachés à des fournisseurs. Environ 93% de la valeur ajoutée resterait en Suisse, comme pour le fusil d'assaut.

Pour Erich Muff et ses collègues, une chose est sûre: seuls les pistolets suisses sont envisageables. Il ne faut pas se contenter de «faire produire des pièces importantes du pistolet en Suisse». L'achat des masques de protection lors de la pandémie de Covid a montré que l'approvisionnement par des partenaires étrangers ne fonctionne pas en cas d'urgence. «En cas de crise, chacun pense d'abord à soi». La dépendance vis-à-vis de l'étranger doit être massivement réduite, comme le prévoit la nouvelle stratégie d'armement du Conseil fédéral, déjà remise en question à cause de Trump.

Ce retournement de veste fait grincer des dents dans l'armée. «On ne peut pas changer tous nos plans selon l'actualité politique du jour», estime Erich Muff. «Cette approche à court terme est toujours à la traîne.» Pour des raisons de sécurité, la Suisse doit s'engager au long terme pour protéger sa place industrielle. «Il faut agir, pas seulement parler!»

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