Ce que craignait depuis des années Peter Jenny, un retraité de 78 ans, a fini par arriver. Une pelleteuse et un camion ont détruit l'œuvre de sa vie: des constructions qu'il a bricolées lui-même avec soin, sur son terrain situé au-dessus de Sarnen, dans le canton d'Obwald.
Des murs brise-vent de plusieurs mètres de haut, constitués de pieux en bois, ont été démolis. La petite piscine, alimentée par l'eau qui s'écoule du versant d'une colline, a disparu. Les grands arbres qui entouraient autrefois la maison ont été abattus. Le petit chemin menant à sa ferme, et construit à la main avec des pierres naturelles, n'est plus que de l'histoire ancienne.
Tout a été creusé et est en train d'être déblayé. Il ne reste plus qu'une petite cabane en bois et des vignes. Mais tout ce qui a été bâti de façon artisanale doit disparaître, à l'exception de l'ancienne ferme.
Décision juridique contraignante
Après plus de 45 ans de travail et 20 ans de conflit, Peter Jenny a le cœur brisé. Il doit désormais regarder le triste spectacle de pelleteuses et camions détruire les annexes de sa maison. «J'ai l'impression de perdre la raison», assure ce conseiller en assurances à la retraite. «Parfois, j'aimerais ne plus vivre pour ne pas avoir à regarder ça.»
Peter Jenny vient de déposer un nouveau recours auprès du tribunal administratif d'Obwald, avec l'espoir de suspendre la destruction de ses constructions. Pendant ce temps, la pelleteuse continue de creuser inlassablement.
Un collaborateur de la commune de Sarnen, qui souhaite garder l'anonymat, souligne dans un entretien avec Blick que l'intervention n'est pas encore terminée. «Ce n'est pas fini. Il faut que le terrain retrouve son état d'origine», indique le fonctionnaire. Car derrière cette destruction, une décision juridiquement contraignante a été prise. «Nous avons un jugement du Tribunal fédéral, la plus haute instance de Suisse», souligne le collaborateur communal. Le dossier est donc juridiquement clos. La commune tient aussi à dissiper un malentendu: le bâtiment concerné n'est pas la résidence principale de Peter Jenny, mais seulement une résidence secondaire.
Il avait obtenu des promesses orales
Mais Peter Jenny est convaincu d'être dans son bon droit. Il n'arrive pas à accepter cette décision. Dans son appartement de Rothenburg (LU), il nous montre des dossiers, des plans et des notes, soigneusement classés et accompagnés de notes manuscrites.
«L'ancien président de la commune est venu voir mon terrain et m'a autorisé oralement en 2005 à poursuivre les travaux», assure-t-il. Nombre de ses constructions ont été réalisées sur la base de ces promesses orales. Le retraité ne peut toutefois pas fournir de preuve écrite attestant qu’une autorisation avait été délivrée pour la construction du drainage. «La commune n'est jamais venue sur mon terrain», déplore Peter Jenny. «Je n'ai jamais obtenu le droit d'être entendu.»
Interrogée, la commune nuance: «Bien sûr qu'il a été entendu. Nous étions en contact avec son avocat. Ce que Peter Jenny veut dire, c'est qu'il n'a jamais participé personnellement à un entretien.» La commune confirme que les frais de démantèlement – environ 300'000 francs selon Jenny – seront à la charge du retraité.
Une discussion avec Albert Rösti
Mais Peter Jenny ne compte pas abandonner aussi vite. Dimanche dernier, il a voulu se faire entendre au plus haut niveau politique. Il s'est rendu à Uetendorf (BE), où il a pu s'entretenir spontanément avec le conseiller fédéral Albert Rösti. Celui-ci l'aurait écouté, mais l'a renvoyé pour la suite vers son assistant. La responsable de la communication d'Albert Rösti confirme à Blick que la rencontre a bel et bien eu lieu.
L'homme continue de se battre avec pugnacité. Mais la déconstruction sur son terrain sera bientôt achevée. «On détruit ici une précieuse biodiversité et on perd un bien culturel», estime-t-il. Il est également ruiné financièrement par cette procédure. «Je suis personnellement visé», estime-t-il. Aux 300'000 francs que Jenny doit payer s'ajoute la dévaluation de la maison. Au total, la perte s'élève à plusieurs millions. «Je crois que je préférerais partir là-haut, dire au revoir d’ici», confie-t-il doucement au téléphone.