La Confédération contre-attaque
D'ambitieux pirates chinois se font de l'argent sur le dos de l'armée suisse

L'armée suisse est aussi une marque. Des entreprises vendent des montres, des vêtements ou des articles de cuisine grâce à une licence de Berne. Mais en Asie, les contrefaçons pullulent. La Confédération ne se laisse pas faire et part en guerre contre ces dernières.
Publié: 05:22 heures
Partager
Écouter
1/10
Des fonctionnaires chinois contrôlent des articles: les contrefaçons pullulent, la marque «Swiss Military» est concernée.
Photo: imago stock&people
IMG_4140.jpg
Sven Altermatt

L'armée suisse conquiert le monde… du moins en tant que marque! Sous le label «Swiss Military», on trouve des gourdes, des chaussures et des vêtements de plein air. Ces produits sont très demandés, même à l'étranger. Seules quelques entreprises obtiennent de la Confédération une licence d'utilisation de la marque. Elles paient pour cela des taxes, l'argent vont alors directement dans les caisses de l'Etat. 

En Asie, en revanche, les entreprises font depuis des années de bonnes affaires avec les fausses licences. Elles mettent sur le marché de faux produits «Swiss Military». Mais c'en est trop pour Berne qui a décidé de déclarer la guerre à ces marques pirates. Et les responsables d'Armasuisse, l'Office fédéral de l'armement au sein du département du ministre de la Défense de Martin Pfister, annoncent déjà des succès: ils parlent à Blick d'un tournant.

«Abus généralisé» en Chine et en Inde

Pendant des années, la marque «Swiss Military» a été plutôt négligée. Alors que la Confédération n'accordait guère de licences, des resquilleurs sévissaient. Résultat: il y a eu un «abus généralisé de la part d'acteurs, surtout en Inde et en Chine», rapporte Armasuisse.

Mais depuis quelques années, Berne mise sur la commercialisation. En 2021, Armasuisse a conclu un contrat de licence exclusif avec l'entreprise Swiss Brands AG. Celui-ci s'applique aux produits les plus divers – ils peuvent porter les marques «Swiss Military» et «Swiss Air Force». 

Avec des partenaires locaux, Swiss Brands a osé se lancer en Chine, où elle a notamment commercialisé des articles de cuisine, des chaussures et des vêtements d'extérieur. Mais il s'est rapidement avéré qu'un vaste réseau de prétendus licenciés et de commerçants vendait depuis longtemps des produits sous une fausse bannière «Swiss Military» – et continuait parfois de le faire jusqu'à aujourd'hui. Les contrefaçons des pirates chinois sont disponibles dans les magasins via des boutiques en ligne ou sur des plateformes comme WeChat.

Les vêtements contrefaits inondent le marché

Les marques pirates ne reculent devant rien: elles vont jusqu'à falsifier des certificats qui indiquent Armasuisse comme donneur de licence et Swiss Brands comme preneur de licence officiel. A Berne, on ne veut pas se laisser faire. Armasuisse veut agir avec force contre les pirates.

Dès 2024, l'autorité a envoyé des avertissements, déposé des plaintes et préparé des actions en justice. Les efforts semblent commencer à porter leurs fruits. La porte-parole d'Armasuisse Daniela Renzo dresse un bilan: «La défense juridique conséquente de la marque ainsi que son utilisation par la Confédération en tant que donneur de licence représentent un tournant.»

Dans deux pays, l'Office fédéral a obtenu des jugements en première instance. «La persévérance dans les procédures en Inde et en Chine commence à porter ses fruits», explique la porte-parole. Il est ainsi plus facile d'identifier et de combattre les contrefacteurs. «En Inde, nous en sommes à la deuxième instance avec des procédures en cours.» L'Office fédéral ne s'exprime pas plus en détail sur les procédures en cours.

Toute personne qui met sur le marché des produits contrefaits est punissable. Les contrefaçons concernent surtout les vêtements. L'une des sociétés mises en cause est Fujian Dinghui Sports Technology Co. en Chine, qui prétend s’appuyer sur les licences d’une obscure entité baptisée Swiss Military (China) Brand Operations Co. .

Depuis quelque temps, Armasuisse publie également les noms des «mauvais élèves». Outre la Chine et l'Inde, ces entreprises proviennent également de Corée du Sud. Sur des sites chinois, on explique comment reconnaître les copies pirates. De même, les produits originaux sont dotés d'un code dit de contrefaçon.

«Le chemin est semé d'embûches»

Un avocat spécialisé dans les marques mène les procès pour Armasuisse. Il y a toutefois des limites: la lutte contre la contrefaçon de marques est financée par les recettes de licences, les moyens sont donc, par conséquent, limités.

L'idée que la Confédération est propriétaire de la marque s'impose peu à peu. Mais «le chemin est semé d'embûches, il faut de l'endurance», nous dit-on chez Armasuisse. «Eliminer le piratage des marques reste un grand défi et demande beaucoup d'efforts.» On ne peut y parvenir que si, outre les démarches juridiques, des preneurs de licence officiels s'affirment sur le marché – avec leurs propres produits, ils comblent ainsi les brèches exploitées par les pirates.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la
Articles les plus lus
    Articles les plus lus