«Cela ne peut pas continuer ainsi!»
La commande historique des CFF à Siemens toujours sous le feu des critiques

Le fournisseur allemand Siemens a été retenu pour une commande de plusieurs milliards des CFF. L'organisation économique FairPlay Public se déchaîne: «Cela ne peut pas continuer ainsi!» Elle demande aux politiciens d'agir.
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La commande des CFF pour 116 nouvelles rames à deux étages est partie à l'étranger, la décision a fait grand bruit.
Photo: PD
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Céline Zahno

Une commande d'envergure des CFF a récemment fait grand bruit: deux milliards de francs, c'est le montant investi par les chemins de fer pour l'acquisition de 116 nouvelles rames à deux étages destinées à la région de Zurich et à la Suisse romande. Il s'agit tout simplement de la commande la plus coûteuse jamais passée par l'entreprise ferroviaire. Le marché a été attribué au groupe allemand Siemens, tandis que le constructeur suisse Stadler est reparti les mains vides. 

Le week-end dernier, le directeur général des CFF, Vincent Ducrot, est longuement revenu sur cette décision. Dans une interview accordée à la «Schweiz am Wochenende», il a défendu l'attribution du contrat à Siemens. Selon lui, la législation en vigueur oblige les chemins de fer à traiter tous les fournisseurs de manière identique, qu'ils produisent en Suisse ou à l'étranger. Cette loi aurait même été renforcée en 2019, dans l'optique de stimuler la concurrence.

Des critères obligatoires

FairPlay Public, une organisation de défense des intérêts de l'économie suisse dans le domaine des marchés publics, conteste vivement cette lecture. Dans une lettre au ton particulièrement acerbe, dont Blick a obtenu une copie, elle reproche à Vincent Ducrot de ne pas avoir exploité la marge de manœuvre pourtant prévue par le droit des marchés publics. «Cela ne peut pas continuer ainsi», écrit le comité directeur de l'organisation.

Selon cette lettre, le débat parlementaire ayant accompagné la nouvelle loi fédérale sur les marchés publics semble avoir échappé au directeur des CFF. Le texte contient en effet plusieurs nouveautés destinées à éviter que les entreprises produisant en Suisse ne subissent un désavantage structurel.

La qualité, et non plus uniquement le prix, est désormais un critère d'attribution obligatoire. A cela s'ajoutent des critères de durabilité, intégrés au catalogue d'évaluation, sur lesquels les sites de production suisses obtiennent régulièrement de meilleurs résultats. 

Des centaines de millions de francs

Le Parlement a en outre introduit un critère spécifique lié au niveau des prix, jugé essentiel pour préserver la place industrielle suisse. «Sans tenir compte du niveau des prix, une offre légèrement inférieure sur le plan nominal suffit déjà à évincer une entreprise suisse de la concurrence», souligne FairPlay Public.

C'est précisément ce scénario qui se serait produit lors de l'adjudication à Siemens. L'écart de prix serait inférieur à un pour cent. Le fait de ne pas avoir appliqué ce critère constitue, selon l'organisation, un «affront envers les entreprises produisant en Suisse, leurs collaborateurs ainsi que leurs familles».

Pour Vincent Ducrot, la différence mentionnée ne concerne toutefois que l'investissement initial. La véritable divergence se situerait au niveau de l'exploitation et de la maintenance, pour un montant se chiffrant en centaines de millions de francs, selon le patron des CFF.

Un autre mandat évoqué

FairPlay Public appelle également le monde politique à agir. «Nous attendons des parlementaires fédéraux qu'ils s'engagent, eux aussi, de manière déterminée en faveur de l'application obligatoire du critère du niveau des prix dans les marchés publics», écrit l'organisation.

La lettre évoque enfin un autre mandat des CFF, dont une partie concerne l'étranger. Celui-ci ne serait toutefois pas comparable: Siemens et Stadler Rail pourraient tous deux y être impliqués. A ce stade, on ignore encore quelles entreprises décrocheront finalement quels contrats.

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