La gauche contre la droite
Les esprits se divisent devant la légalisation du cannabis en Suisse

Les partis politiques suisses sont divisés sur la légalisation du cannabis pour adultes, tandis que les organisations professionnelles soutiennent largement le projet. Le GREA approuve cette initiative, la jugeant «ambitieuse, innovante et bien encadrée».
Photo: imago images/Nature Picture Library
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ATS Agence télégraphique suisse

Les partis politiques sont divisés sur la légalisation du cannabis pour les adultes en Suisse. En réponse à la procédure de consultation, ils ne sont pas d'accord sur la manière dont la réglementation de son usage doit être mise en œuvre. Les organisations professionnelles, elles, soutiennent largement le projet.

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national veut lever l'interdiction de consommer du cannabis. Elle a soumis à la fin août un projet de nouvelle loi sur les produits cannabiques à une consultation, qui s'est achevée début décembre.

Un projet «ambitieux»

La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) a salué l'orientation du projet. La loi crée un accès légal à des produits cannabiques sûrs et réglementés pour les adultes, ce qui permettrait de réduire les risques pour la santé et le contact avec le marché noir. L'absence de protection de la jeunesse constitue toutefois une lacune centrale, estime-t-elle.

Le Groupement romand d'études des addictions (GREA) soutient lui aussi «largement» un projet qu'il juge «ambitieux, innovant et bien encadré». Réguler le cannabis permet de s'assurer de la qualité des produits consommés et de sortir les consommateurs de l'illégalité. La quasi-totalité des organisations actives dans le domaine des addictions partagent cet avis, a précisé le GREA à Keystone-ATS.

Des modifications à apporter

Il cite la Coordination romande de institutions et organisations oeuvrant dans le domaine des addictions (CRIAD), la Société suisse de médecine de l’addiction (SSAM), la Coordination politique des addictions (NAS-CPA), le Cannabis Consensus Schweiz (CCCH), ainsi qu'Addiction Suisse et ses équivalents alémanique, le Fachverband Sucht, et tessinois Ticino Addiction.

Le GREA souligne toutefois quelques modifications importantes à apporter au projet. Il souhaite notamment que les concessions de vente de cannabis soient des organisations d'utilité publique, comme dans les essais-pilotes romands, que l'on donne la priorité à la production suisse de produits cannabiques et que les infractions à la loi sur le cannabis soient radiées des casiers judiciaires.

Parmi les organisations professionnelles consultées, la Croix-Bleue fait exception. A ses yeux, la commission prend certes des mesures importantes avec un âge de remise de 18 ans, un emballage neutre et une interdiction de publicité, mais celles-ci ne suffisent pas à protéger les mineurs et les jeunes adultes.

Dans un co-rapport, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) se montre elle aussi critique. Pour elle, la réglementation est trop coûteuse et ne peut pas être mise en œuvre par les cantons sous sa forme actuelle. De plus, une réglementation du marché du cannabis est prématurée tant que les résultats des projets-pilotes menés dans certaines villes suisses ne sont pas disponibles.

«Grave négligence»

L'UDC va plus loin: pour elle, la nouvelle loi va à l'encontre d'une politique responsable en matière de drogue. Le projet sape la sécurité publique et représente une charge supplémentaire pour le système de santé. Le parti qualifie en particulier de «négligence grossière» et de «contre-productive» la disponibilité constante de cannabis via la vente en ligne.

Le Centre redoute quand à lui que la légalisation du cannabis pour les adultes n'en facilite l'accès aux mineurs. Cette mesure donnerait aussi à tort l'impression que la consommation de ce produit est sans danger. Le renforcement souhaité de la protection de la jeunesse n'est donc pas atteint, argumente-t-il, en notant que de nombreux aspects juridiques ne sont pas assez clairs dans le projet.

«L'approche actuelle a échoué»

Le camp rose-vert arrive, lui, à une tout autre conclusion: pour le PS, le projet de loi confère à la Suisse un rôle de «précurseur» en comparaison européenne. Il encourage une utilisation plus responsable et moins risquée, qui garantit notamment la protection de la jeunesse.

Pour les Vert-e-s et les Vert'libéraux, l'actuelle politique de prohibition ne fonctionne pas. La régulation de l’usage récréatif du cannabis améliore la santé et la protection de la jeunesse, estiment les Vert-e-s.

Une telle réglementation doit être un projet de santé publique, ajoute le parti. Elle doit donc prévoir des mesures sérieuses de protection de la jeunesse et de prévention des dépendances et limiter les profits issus de la distribution et la vente du produit final à consommer.

Un avis partagé par les Vert'libéraux, pour qui un cadre légal avec des normes de qualité et de sécurité claires protégerait mieux les consommateurs. Cela permettrait de renforcer la prévention et de détecter plus tôt un comportement de consommation problématique.

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