Les avis divergent largement par rapport à la légalisation du cannabis pour les adultes en Suisse. En réponse à la procédure de consultation, les partis et organisations ne sont pas d'accord sur la manière dont la réglementation de son usage doit être mise en œuvre, notamment en lien avec la protection de la jeunesse.
La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national veut lever l'interdiction de consommer du cannabis. Elle a mis en consultation à la fin août un projet de nouvelle loi sur les produits issus du cannabis, dont le délai a expiré début décembre.
La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) a salué l'orientation du projet. La loi crée un accès légal à des produits cannabiques sûrs et réglementés pour les adultes, ce qui permettrait de réduire les risques pour la santé et le contact avec le marché noir. L'absence de protection de la jeunesse constitue toutefois une lacune centrale, estime-t-elle.
Dans un co-rapport, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) se montre plus critique. A ses yeux, la réglementation est trop coûteuse et ne peut pas être mise en œuvre par les cantons sous sa forme actuelle. De plus, une réglementation du marché du cannabis est prématurée tant que les résultats des projets-pilotes menés dans certaines villes suisses ne sont pas disponibles.
«Grossière négligence» pour l'UDC
Pour ces raisons, ainsi qu'à cause d'un manque de protection de la jeunesse, la Croix-Bleue – la faîtière des organisations d'aide aux personnes dépendantes – rejette le projet. La commission prend certes des mesures importantes avec un âge de remise de 18 ans, un emballage neutre et une interdiction de publicité, mais celles-ci ne suffisent pas à protéger les mineurs et les jeunes adultes.
L'UDC va plus loin: pour elle, la nouvelle loi va à l'encontre d'une politique responsable en matière de drogue. Le projet sape la sécurité publique et représente une charge supplémentaire pour le système de santé. Le parti qualifie en particulier de «négligence grossière» et de «contre-productive» la disponibilité constante de cannabis via la vente en ligne.
Le Centre souhaite lui aussi maintenir l'interdiction, craignant que la légalisation du cannabis pour les adultes n'ait pour conséquence un accès facilité pour les mineurs. Cette mesure donnerait aussi à tort l'impression que la consommation de ce produit est sans danger.
Le renforcement souhaité de la protection de la jeunesse n'est donc pas atteint, argumente Le Centre. De plus, de nombreux aspects juridiques ne sont pas assez clairs dans le projet.
«L'approche actuelle a échoué»
Le PS, lui, arrive à une tout autre conclusion: la loi sur les produits cannabiques confère à la Suisse un rôle de «précurseur» en comparaison européenne. Le parti estime que le projet de loi encourage une utilisation plus responsable et moins risquée, qui garantit notamment la protection de la jeunesse.
Pour les Vert-e-s, la politique actuelle de prohibition ne fonctionne pas: elle mobilise d’importantes ressources policières et judiciaires, sans protéger les consommateurs, ni diminuer la criminalité organisée. La régulation de l’usage récréatif du cannabis améliore la santé et la protection de la jeunesse, estime le parti.
Une telle réglementation doit être un projet de santé publique, notent encore les écologistes. Elle doit donc prévoir des mesures sérieuses de protection de la jeunesse et de prévention des dépendances et limiter les profits issus de la distribution et la vente du produit final à consommer.
Un avis partagé par les Vert'libéraux, pour qui un cadre légal avec des normes de qualité et de sécurité claires protégerait mieux les consommateurs. Cela permettrait de renforcer la prévention et de détecter plus tôt un comportement de consommation problématique. Actuellement, le marché illégal profite de l'interdiction en Suisse, écrit le parti, qui souligne que l'approche prohibitive a échoué.