Cela fait maintenant 263 jours que Martin Pfister a pris la tête du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports. La phase durant laquelle on lui a laissé prendre ses marques est terminée. Le mois de décembre sera décisif pour lui: obtiendra-t-il une augmentation du budget de l'armée? Et si oui, quel montant?
Un rapport interne que Blick s'est procuré dévoile l'état critique de la défense suisse. Selon ce rapport, l'armée «ne peut repousser une attaque à longue portée que de manière très limitée». En cas d'attaque militaire de grande envergure, la situation serait encore plus sombre. Selon ce document, la Suisse ne pourrait se défendre «que très partiellement» contre une telle attaque.
La défense suisse est dépassée
En d'autres termes, la Confédération n'est actuellement pas prête à se défendre! Et la raison est simple: l'armée dispose d'un budget qui a été établi en temps de paix. «C'est le résultat de la focalisation délibérée de l'armée sur les menaces potentielles après la fin de la guerre froide», constate le rapport. En cas d'attaque, la Suisse serait largement submergée:
- Guerre hybride: autrefois, les Etats se déclaraient officiellement la guerre. Aujourd'hui, les conflits armés sont plus insidieux: ils englobent les cyberattaques, les fausses informations, la manipulation, les attaques contre des influences critiques, les manifestations violentes orchestrées depuis l'étranger ou encore les attentats terroristes. L'armée pourrait soutenir les services d'urgence en surveillant et en contrôlant les installations sensibles, en apportant une aide médicale d'urgence et en assurant le transport des blessés. L'armée peut également contribuer à la reconnaissance aérienne, au transport aérien, à la cyberdéfense et à la protection des personnes. Un soutien qui peut être maintenu sur une longue période.
- Attaque à distance: une invasion par des troupes terrestres est considérée comme improbable dans un avenir proche. Si la Suisse devait être attaquée, cela passerait par des frappes aériennes: avec des missiles de croisière, des missiles balistiques et des missiles guidés à longue portée. L'armée est très mal préparée à ce scénario: «L'armée ne peut repousser les attaques à distance que de manière très limitée, voire pas du tout», constate le rapport.
- Attaque militaire globale: si la Suisse devait non seulement subir des frappes aériennes, mais aussi une attaque terrestre, les perspectives seraient également très sombres. La Suisse peinerait non seulement à intercepter les missiles et avions ennemis, mais aussi à gérer des systèmes d'armes largement obsolètes, souffrant d'un manque criant d'équipements et de stocks. «En particulier, la portée efficace de l'artillerie et de la défense aérienne basée au sol sont insuffisantes pour combattre l'adversaire en profondeur sur son territoire. De plus, les forces aériennes ne peuvent pas combattre des cibles au sol», pointe le rapport. L'armée ne peut «repousser que de manière très limitée une attaque militaire globale», concluent les experts. En raison de son état vétuste, l'armée suisse ne parvient plus à exercer une dissuasion crédible: L'armée ne peut «apporter qu'une contribution très limitée à l'effet dissuasif», peut-on encore lire dans le rapport.
Le rapport souligne qu'aujourd'hui déjà, la Suisse se trouve au cœur d'un conflit international hybride. «Depuis le début de la guerre en Ukraine, la situation en matière de politique de sécurité en Europe s'est nettement détériorée et continue de s'aggraver», constatent les experts du Conseil fédéral.
Martin Pfister compte sur la TVA
Cette situation a des répercussions considérables sur la sécurité du pays, car celle-ci ne se limite pas à l'armée. Au-delà de la guerre hybride, et notamment des attaques dans l'espace numérique, le risque d'une attaque militaire et d'un affaiblissement de la stabilité économique et sociale a augmenté, entraînant avec lui le risque de déclin de la prospérité.
Ces derniers mois, Martin Pfister a fait campagne pour une augmentation des dépenses de la défense. Une enquête de Blick, également rapportées par le «Tages-Anzeiger», révèle que le conseiller fédéral compte financer cette mesure par une augmentation de la TVA. Mais cette proposition étant sous la menace d'un référendum, le Zougois ne peut donc pas s'attendre à une manne financière immédiate.
Loi sur le matériel de guerre controversée
Pour Martin Pfister, le mois de décembre sera également un mois charnière à d'autres égards. Ce vendredi, le Conseil fédéral nommera un nouveau président du conseil d'administration de l'entreprise spatiale Beyond Gravity – l'entreprise publique appartenant auparavant à Ruag International.
Pour rester compétitive sur le marché des satellites et des lanceurs, l'entreprise a besoin d'investissements se chiffrant en centaines de millions. L'origine de ces fonds pour Beyond Gravity reste non seulement floue, mais aussi politiquement délicate.
De plus, la loi sur le matériel de guerre (LFMG) sera également à l'ordre du jour de la session d'hiver. Personne ou presque n'est satisfait de son statut actuel, car malgré l'assouplissement des exportations, la Suisse ne peut toujours pas livrer d'armes à l'Ukraine.
Pour l'Union démocratique du centre, la révision prévue de la LFMG n'est pas assez neutre. Pour la gauche, en revanche, elle n'est pas assez stricte, puisqu'elle autoriserait la Suisse à exporter même vers des pays en guerre et vers des Etats accusés de violations des droits de l'homme. En bref, Martin Pfister aura du pain sur la planche.