Les débats budgétaires de décembre s’annoncent comme le moment fort de la session d’hiver. Ils pourraient être particulièrement animés: selon nos informations, le chef du Département fédéral de la défense (DDPS), Martin Pfister, envisagerait de demander des crédits supplémentaires.
D’après plusieurs sources au sein de l’administration fédérale, Martin Pfister milite depuis des mois auprès de ses collègues du Conseil fédéral pour obtenir un tel feu vert… et il semblerait désormais avoir rallié la majorité du collège. Sa prédécesseure Viola Amherd s’était, elle, heurtée au frein à l’endettement.
Menace des drones
Pourquoi le Conseil fédéral paraît-il aujourd’hui prêt à accorder davantage de moyens à l’armée, alors qu’il s’y refusait encore il y a un an? Deux raisons principales ressortent: Martin Pfister lui-même, et la menace accrue des drones.
Sous Viola Amherd, les relations avec la ministre des Finances Karin Keller-Sutter étaient tendues. La magistrate PLR, lassée des propositions venues du Centre, s’y opposait systématiquement. Avec Martin Pfister, le ton a changé: Karin Keller-Sutter se montre plus réceptive à son approche.
La deuxième raison tient à la multiplication des attaques de drones ces derniers mois. Après les perturbations du trafic aérien en Pologne, en Allemagne et au Danemark, le Conseil fédéral estime que la menace s’est aggravée.
Ce qui s’est produit à Munich ou à Copenhague pourrait aussi frapper Zurich ou Genève. L’armée de l’air suisse, mal équipée pour contrer de telles attaques, doit renforcer ses capacités au plus vite. Plusieurs autres facteurs pourraient encore favoriser l’obtention d’une majorité pour Martin Pfister:
- Le conseiller fédéral Ignazio Cassis, désormais en position de force au sein du PLR après sa victoire lors du dernier congrès du parti, soutient la hausse des dépenses militaires. Fort du soutien de la base libérale et conscient, grâce à ses ambassadeurs, de la fragilité de la sécurité européenne, il plaide pour une hausse des dépenses de défense.
- La présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter, engluée dans le conflit douanier avec Donald Trump, veut éviter de nouveaux reproches de Washington. Déjà sous l’administration Biden, la Suisse avait été critiquée pour son rôle de «profiteuse» en matière de sécurité: «L'OTAN est en quelque sorte un beignet, et la Suisse le trou au milieu», avait taclé il y a deux ans l'ambassadeur américain de l'époque Scott Miller. En 1990, 1,3% du PIB était consacré à l’armée, aujourd’hui, ce n’est plus que 0,7%. La cheffe de l’Etat reconnaît qu’une telle situation n’est plus tenable.
- Les conseillers fédéraux UDC Guy Parmelin et Albert Rösti appuient également la démarche. Tous deux défendent une armée solide et jugent possible d’utiliser les exceptions prévues au frein à l’endettement. Guy Parmelin, ancien chef du DDPS, connaît bien la fragilité des infrastructures militaires et souhaite y remédier.
- Même les ministres socialistes Beat Jans et Elisabeth Baume-Schneider, peu enclins à soutenir les hausses de budget militaire, ne voudraient pas laisser tomber Martin Pfister, qu’ils apprécient pour sa collaboration pragmatique – notamment sur les dossiers européens ou l’évacuation d’enfants de Gaza. Ils le voient comme un allié au sein du Conseil fédéral dominé par les partis bourgeois.
Et maintenant?
Dans les prochaines semaines, Martin Pfister devra trancher: déposera-t-il sa proposition de crédits avant la réunion des commissions des finances, fin novembre, ou préférera-t-il attendre 2026 pour remettre en question le frein à l’endettement? Pour l’heure, ni le DDPS ni les autres départements n’ont souhaité commenter le dossier.