Un accord européen controversé
Les conseillers fédéraux UDC rejettent la clause de sauvegarde de Beat Jans

Le ministre de l'Immigration Beat Jans propose une clause de sauvegarde nationale renforcée pour contrôler l'immigration de l'UE. Cette approche suscite des critiques au sein du gouvernement, notamment de la part des conseillers de l'UDC qui doutent de son efficacité.
Publié: 12.08.2025 à 20:02 heures
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Dernière mise à jour: 12.08.2025 à 20:11 heures
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Le ministre de l'Immigration Beat Jans veut sécuriser l'accord de l'UE par une clause de sauvegarde nationale.
Photo: keystone-sda.ch
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Ruedi Studer

Le ministre de l’Immigration, Beat Jans, prône une position ferme dans le cadre de l’accord avec l’Union européenne (UE). Selon lui, si l’immigration en provenance de l’UE pose des problèmes économiques ou sociaux graves à la Suisse, le Conseil fédéral doit pouvoir intervenir à l’avenir grâce à une clause de sauvegarde nationale renforcée.

Mais cette approche ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement. Les conseillers fédéraux de l'Union démocratique du centre (UDC) Guy Parmelin et Albert Rösti expriment de sérieuses réserves quant à l’efficacité de ce concept. Des documents internes liés à la consultation des offices, obtenus par Blick en vertu de la loi sur la transparence, mettent en lumière leurs critiques.

Une clause nationale inefficace

La principale objection est que cette clause de sauvegarde n’apporterait rien de concret, car le Tribunal fédéral accorderait toujours plus de poids à l’accord de libre circulation de l’UE qu’à une loi fédérale ou une ordonnance du Conseil fédéral. Ainsi, les mesures de protection seraient tout simplement ignorées. «D’un point de vue juridique, il n’est pas possible d’envisager une solution nationale qui contredirait le droit international», souligne le secrétariat général de Guy Parmelin, qui s’oppose fermement au projet.

Cette position s’appuie sur la jurisprudence récente du Tribunal fédéral. L’Office fédéral de la justice, rattaché au département de Beat Jans, partage ce scepticisme et s’interroge sur la validité devant un tribunal d’une mesure de protection introduite via une ordonnance du Conseil fédéral par rapport à l’accord sur la libre circulation des personnes.

Inscrire la pratique Schubert

Pour que la clause de sauvegarde nationale soit véritablement efficace, «il faudrait inscrire dans la Constitution une clause Schubert, sans laisser place à aucune discussion», insiste le Département fédéral de l’économie (DEFR).

La jurisprudence dite Schubert stipule que les lois fédérales priment sur le droit international lorsque le Parlement adopte en connaissance de cause une loi contraire au droit international. Le secrétariat général du DEFR propose même des pistes concrètes de modification constitutionnelle en ce sens.

Albert Rösti critique quant à lui la vision de Beat Jans, qu’il qualifie d’«instable» et fondée sur «l’espoir vague que le Tribunal fédéral change sa jurisprudence et applique la pratique Schubert à la libre circulation des personnes».

Beat Jans rejette les critiques

De son côté, le Département de la justice dirigé par Beat Jans balaie ces doutes. Selon lui, l’accord sur la libre circulation des personnes contient désormais un mécanisme prévu en cas de non-respect par une des parties contractantes, qui s’appliquerait également si la Suisse prenait des mesures de protection malgré une décision défavorable du tribunal arbitral.

«La Suisse agit en conformité avec le traité en utilisant ce mécanisme», explique le Département. «La jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral sur le rapport entre droit international et droit interne ne peut donc pas être transposée à cette nouvelle situation, qui comprend un tribunal arbitral et des mesures compensatoires». 

L’UDC confortée dans son opposition

Cette controverse profite à l’UDC. Le président du parti, Marcel Dettling, se sent conforté dans sa résistance au «traité de soumission à l'UE». «La clause de sauvegarde actuellement en vigueur n’a jamais été activée. Pire encore, la nouvelle clause de sauvegarde n’aurait même pas été appliquée en 2023, alors que l’immigration nette a atteint environ 100’000 personnes», souligne le Schwytzois. Dans ce contexte, cette nouvelle clause n’est selon lui qu’une «poudre aux yeux», une «pilule d’apaisement purement cosmétique» pour la population.

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