A Venise, les traghetti, grandes gondoles utilisées comme ferries pour traverser le Grand Canal, cristallisent la tension entre habitants et visiteurs. Longtemps restés un secret bien gardé des habitants, ce moyen de transport pratique et bon marché est aujourd’hui envahi par les touristes, suscitant l’exaspération des Vénitiens, rapporte le «Times» mercredi 13 août.
Popularisé sur Instagram et YouTube, ce «bon plan» entraîne désormais de longues files d’attente aux quatre points de passage. Pour les voyageurs, c’est une façon rapide et peu coûteuse de vivre l’expérience de la gondole, le temps d’un selfie. Pour les habitants, souvent chargés de courses, c’est un service du quotidien devenu difficile d’accès.
Quarante fois moins cher qu'une gondole
L’attrait est évident: la traversée coûte 0,70 euro pour les résidents et 2 euros pour les touristes, contre 80 euros pour une balade touristique de 30 minutes. «Les ferries sont devenus la dernière tendance pour les touristes qui souhaitent dépenser peu et monter en gondole», observe Andrea Morucchio, artiste local. Mais, selon lui, l’essor de cette pratique se fait au détriment des habitants: «A cause des influenceurs et des blogueurs, c'est devenu l'une des attractions les plus populaires de Venise, et les Vénitiens en souffrent.»
Dans les files, Vénitiens excédés, chargés d'affaires et touristes en pleine séance photo se côtoient. De quoi accentuer l’exode des quelque 50'000 résidents permanents du centre historique, déjà fragilisé par le tourisme de masse.
La municipalité contre-attaque
Les traghetti se distinguent des gondoles traditionnelles par leur forme et leur aménagement, et sont manœuvrés par deux gondoliers au lieu d’un seul. Mais cette différence n’a pas découragé les visiteurs.
Pour désengorger le service, la municipalité envisage d’augmenter le tarif pour les touristes et d’investir les recettes dans l’ouverture d’un ou deux nouveaux points de traversée. La fréquence a déjà été renforcée sur les lignes les plus saturées. Pourtant, avec 30 millions de visiteurs par an, un chiffre qui pourrait encore grimper avec le tournage annoncé de la série «Emily in Paris», beaucoup doutent que la situation s’améliore à court terme.