Depuis mercredi, la Cour suprême des Etats-Unis examine la légalité des droits de douane imposés par Donald Trump à de nombreux partenaires commerciaux – dont la Suisse, frappée d’une surtaxe de 39%. Plusieurs entreprises américaines ont porté plainte contre ces mesures, parmi elles le fabricant de jouets Learning Resources, dirigé par Rick Woldenberg à Chicago.
L'audience à la Cour suprême ne fait que commencer. Il faudra probablement des semaines, voire des mois, avant que les juges ne rendent leur verdict. L’issue reste incertaine, mais une chose est claire: la politique commerciale de Trump et son gouvernement fait face à des critiques assez claires dans la salle de la Cour suprême. Pour Donald Trump, c'est inhabituel, car il a lui-même nommé six des neuf juges. A noter qu'il avait envisagé d’assister personnellement à l’audience, avant de renoncer au dernier moment.
Une politique justifiée par un «état d’urgence»
Mercredi, l'avocat général de Trump, John Sauer, a défendu la politique douanière de la Maison Blanche au nom du gouvernement américain. Il a qualifié les droits de douane punitifs de mesure de politique étrangère dans le commerce mondial. «Ce sont des droits de douane de régulation. Ils ne servent pas à générer des revenus», a déclaré John Sauer lors de l'audience, selon la chaîne américaine CNBC. Le fait que les Etats-Unis génèrent des recettes pour le budget grâce aux droits de douane n'est qu'un effet secondaire.
Pour justifier ses mesures, Trump s’est appuyé sur une loi d’urgence nationale de 1977, censée lui accorder de larges pouvoirs en cas de crise. Il a ainsi qualifié les déficits commerciaux américains de «menace nationale». Problème: le texte ne mentionne nullement les droits de douane. Les magistrats doivent désormais déterminer si le président pouvait invoquer cet état d’urgence pour contourner le Congrès – seul habilité à fixer la politique fiscale.
Les critiques des juges viennent de la gauche et de la droite
C'est précisément ce que la juge libérale Sonia Sotomayor a critiqué. Selon CNBC, elle a déclaré à John Sauer: «Ils disent que les droits de douane ne sont pas des impôts, mais c'est exactement ce qu'ils sont.» Selon elle, le gouvernement génère ainsi «des recettes provenant des citoyens américains».
Plus surprenant encore, plusieurs juges conservateurs ont également exprimé leurs doutes – y compris le président de la cour John Roberts. Le membre de la Cour suprême Neil Gorsuch a critiqué le fait que Trump ait introduit les droits de douane punitifs sans passer par le Congrès. Selon lui, la gouvernance par la loi d'urgence est un «mécanisme à sens unique qui conduit à une augmentation progressive mais continue du pouvoir de l'exécutif et à une diminution du pouvoir des représentants élus par le peuple». En d'autres termes: même les juges nommés par Trump à la Cour suprême sont sceptiques quant à l'exercice du pouvoir du président américain.
Le ton critique des juges conservateurs a également fait en sorte que les observateurs du procès estiment entre-temps que les chances des plaignants sont plus élevées qu'avant le début. Sur le marché des pronostics en ligne Predictit, leurs chances de victoire sont estimées à plus de 80%, contre un peu plus de 60% auparavant. Reste à savoir si le tribunal suprême osera désavouer le président – malgré la présence de «ses» six juges au sein de la Cour.