Une méthode très risquée
Trump saigne le Venezuela à blanc avec une vieille stratégie de pirate

Donald Trump joue les pirates dans les Caraïbes. En annonçant un blocus «total et complet» des pétroliers vénézuéliens, il s'éloigne de la diplomatie et accroit le risque d'une escalade incontrôlable.
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Dans les Caraïbes, Donald Trump privilégie la confrontation à la diplomatie.
Photo: DR
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Chiara Schlenz

Donald Trump joue les pirates. Et cette fois, pas seulement sur le plan rhétorique. En annonçant un blocage «total et complet» des pétroliers vénézuéliens, le président américain transforme de facto les Caraïbes comme un territoire cible.

Présentée officiellement comme une opération antidrogue, l’initiative américaine ressemble de plus en plus à une offensive aux objectifs clairs: le pétrole, l’influence et le rétablissement d’une ancienne hégémonie.

L'épisode survenu la semaine dernière est particulièrement révélateur: les forces américaines ont saisi pour la première fois un pétrolier vénézuélien en haute mer. A son bord: près de deux millions de barils de pétrole lourd.

Une sincérité qui en dit long

Cette opération, Donald Trump l'a commentée avec une franchise déconcertante en annonçant que le pétrole serait tout simplement conservé par les Etats-Unis. Pas d'acrobaties juridiques, pas de langage diplomatique. Juste l'annonce d'une belle prise, d'un butin dont il convient maintenant de profiter.

Mardi 16 décembre, une nouvelle étape a été franchie: désormais, plus aucun pétrolier ne doit atteindre ou quitter le Venezuela. Les navires qui tentent leur chance s'exposent à un abordage sanglant. 

Sur le plan juridique, la mesure évolue en zone grise. Politiquement, elle marque une escalade. En droit international, un blocus est considérée comme un acte de guerre, et ce même s'il est présenté comme une «mesure de sécurité».

Le pétrole, nerf de la guerre

Donald Trump justifie ce durcissement par la lutte contre le terrorisme et le narcotrafic. Mais les chiffres racontent une toute autre histoire. Pour le Venezuela, le pétrole n’est pas une ressource parmi d’autres: c’est une artère vitale. Plus de 90% des recettes d’exportation proviennent de l’or noir.

Depuis la saisie du pétrolier, les exportations se sont effondrées et plusieurs supertankers ont rebroussé chemin par crainte de nouvelles interceptions. Ces dernières semaines, moins de 600’000 barils par jour ont quitté le pays, alors que la consommation mondiale dépasse les 100 millions de barils quotidiens.

De base, le Venezuela dispose pourtant d'un véritable trésor: environ 303 milliards de barils de réserves prouvées, davantage que tout autre pays. Seulement, la production plafonne aujourd’hui à quelque 860’000 barils par jour, soit à peine un tiers du niveau d’il y a dix ans. Mauvaise gestion, sanctions et manque d’investissements ont laissé les infrastructures à l’abandon.

Glorifications du passé

Cette fragilité, Donald Trump l'exploite sans détour. Sa rhétorique n’a rien d’anodin. Il évoque des champs pétrolifères «volés» et affirme que le Venezuela devrait «restituer» son pétrole et ses actifs aux Etats-Unis.

Une référence explicite à l’époque précédant les nationalisations des années 1970 et 2000, lorsque des groupes américains exploitaient le pétrole vénézuélien et que les raffineries du golfe du Mexique étaient adaptées à ce brut lourd.

Dans le même temps, Washington muscle son dispositif militaire. Près d’une douzaine de navires de guerre, des milliers de soldats, et surtout l’USS Gerald R. Ford – le plus grand porte-avions du monde – ont été déployés. Donald Trump s'est félicité d'avoir mobilisé «la plus grande armada jamais vue» dans la région. Un message de dissuasion, mais aussi une démonstration de force.

Une tradition de piraterie

De son côté, le président vénézuélien Nicolás Maduro n'hésite pas à parler de «piraterie» pour dénoncer les agissements américains. Blocus maritimes, interception des routes commerciales, asphyxie des ressources: ces méthodes font partie, depuis des siècles, de l’arsenal des grandes puissances. La nouveauté tient surtout à la franchise avec laquelle Donald Trump les revendique.

La stratégie est soigneusement calculée: épuiser l’adversaire économiquement plutôt que lancer une intervention militaire. Aucun risque pour les troupes américaines au sol, mais une pression maximale sur un régime dont les rentrées de devises dépendent presque entièrement du pétrole. Les marchés pétroliers anticipent déjà une hausse des prix si le Venezuela venait à perdre durablement près d’un million de barils par jour.

Une approche risquée

Cette approche agressive n’est toutefois pas sans risques. Un blocus entraîne des réactions en chaîne, crée des précédents dangereux et mobilise des acteurs internationaux comme la Chine, principal acheteur du pétrole vénézuélien. A Washington aussi, les critiques montent: au Congrès américain, de plus en plus d’élus qualifient les opérations de Trump de «guerre sans mandat». Le président américain, lui, s’en remet à un vieil adage propre à la guerre maritime: qui contrôle les routes contrôle le butin.

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