Jour de vérité pour les groupes pharmaceutiques! Après plusieurs menaces, Donald Trump a imposé jeudi dernier des droits de douane de 100% sur les médicaments de marque et les produits pharmaceutiques brevetés, à compter du 1er octobre. Le dernier coup de massue douanier du président américain est-il réellement tombé? Pas si sûr.
Alors que l’échéance est arrivée ce mercredi, une grande incertitude règne dans le secteur pharmaceutique suisse. Selon plusieurs sources, «l’industrie est totalement dans le brouillard». Après l’annonce de Trump sur sa plateforme Truth Social, plus rien: ni décret présidentiel, ni précision sur la mise en œuvre du tarif de 100%, et encore moins de loi.
Aux Etats-Unis, en revanche, les annonces se multiplient. A l’approche de la date butoir, la Maison Blanche a présenté un nouveau site internet baptisé Trump Rx. Il doit permettre aux Américains d’obtenir des médicaments à prix réduit. Derrière ce projet se cache un méga-accord conclu avec un géant pharmaceutique… américain. Et dans le même temps, le gouvernement fédéral est paralysé depuis minuit par un «shutdown». Trump a-t-il oublié ses tarifs douaniers sur les médicaments? Et qu’en est-il pour Roche, Novartis et les autres géants suisses? Blick répond aux questions essentielles.
Novartis et Roche sont-ils concernés?
Bonne question… sans réponse pour l’instant. Voilà l’état d’esprit qui domine dans la pharma suisse. Depuis l’annonce de Trump, aucun détail supplémentaire n’a été communiqué. Roche et Novartis estiment néanmoins être épargnés par ce tarif de 100%.
Les deux entreprises rappellent leurs investissements massifs aux Etats-Unis: le tarif ne devrait pas s’appliquer aux groupes ayant ou prévoyant des sites de production locaux. Interrogées mercredi par Blick, Roche et Novartis renvoient à leurs déclarations de la semaine passée. Novartis a même été catégorique: «Le droit de douane annoncé ne devrait pas avoir d’impact sur Novartis.»
Quels impacts pour la Suisse?
L’incertitude domine aussi du côté des associations professionnelles. «Comme beaucoup, nous aimerions bien avoir une boule de cristal», confie une porte-parole de Scienceindustries. «La seule chose qui est sûre, c’est l’incertitude.»
L’association rappelle qu’il manque encore une base légale claire pour les taxes. Mais une chose est sûre: les droits de douane pèseraient moins sur les groupes disposant déjà de sites américains que sur ceux qui produisent ailleurs. Par exemple Galderma, spécialiste de la dermatologie esthétique, fabrique certaines préparations hors des Etats-Unis et pourrait donc être touché.
Si Roche et Novartis devaient finalement être concernés, l’impact serait énorme. La pharma représente environ 10% du PIB suisse et près d’un quart des exportations. Or les Etats-Unis sont désormais le premier marché: la moitié des exportations pharmaceutiques suisses y est destinée.
L'UE a-t-elle négocié un accord de dernière minute?
Selon des sources américaines, les médicaments importés de l’Union européenne (UE) devraient être épargnés par les nouveaux tarifs. La Maison Blanche s’en tiendrait au plafond de 15% convenu mi-août avec Bruxelles, s'appliquant également aux produits pharmaceutiques.
La Commission européenne part du même principe et invoque cet accord douanier. En revanche, la Grande-Bretagne, sortie de l’UE, devrait s’attendre à un tarif de 100% sur ses exportations de médicaments, selon Reuters citant une source anonyme.
Et le méga-deal de Pfizer?
Le groupe pharmaceutique américain Pfizer a choisi d’anticiper. Il a accepté toutes les conditions de Trump, a annoncé mardi soir le président lors d’une conférence de presse.
Concrètement, Pfizer vendra ses médicaments moins chers dans le cadre du programme public Medicaid et sur le site Trump Rx, où les prix devraient chuter en moyenne de 50%. En échange, le groupe bénéficie d’une exemption de trois ans sur les droits de douane.
Trump y voit un modèle de réussite: «Nous allons conclure des accords avec tout le monde. Ils attendent leur tour. Et s’il n’y a pas d’accord, il y aura des droits de douane», a-t-il martelé.
Comment la Bourse a-t-elle réagi?
L’annonce a dopé les titres pharmaceutiques suisses. Ce mercredi matin, Novartis a bondi de 2,4% et Roche de 4,3%. L’accord Pfizer-Trump suscite l’espoir d’une issue négociée pour tout le secteur, car selon le président américain, d'autres accords pourraient suivre.
Les analystes de JPMorgan estiment que ce modèle pourrait servir de référence et rassurer les investisseurs: les effets des droits de douane resteraient ainsi maîtrisés.
Pourquoi Trump fait-il cela?
Trump veut créer des emplois aux Etats-Unis et y rapatrier des sites de production. Les tarifs punitifs s’inscrivent dans cette logique. Pour la pharma, le républicain vise aussi une baisse des prix des médicaments.
Enfin, le président cherche des recettes supplémentaires grâce aux droits de douane, alors que Washington est paralysé par un «shutdown» budgétaire: les finances fédérales sont une nouvelle fois dans l’impasse.