La Russie traverse de graves turbulences financières. La guerre qui s’éternise fragilise chaque jour un peu plus l’économie, et les réserves du pays sont proches de l’épuisement.
Le double coup porté récemment au Kremlin accentue cette situation critique. D’un côté, le coup de massue tarifaire de Donald Trump sur l’Inde, client majeur du pétrole russe. De l’autre, la tactique ukrainienne qui semble avoir identifié – et touché – le point faible de Vladimir Poutine.
Pénuries énergétiques
Ce talon d’Achille, ce sont les infrastructures énergétiques. A l’instar des Russes qui visent celles de l’Ukraine, les forces de Kiev multiplient depuis début août les attaques de drones contre les dépôts pétroliers, les raffineries, les oléoducs et les convois ferroviaires de carburant.
Avec un succès important! Rien qu’en août, sept raffineries russes ont été frappées. L’Ukraine peut se permettre ces assauts grâce à la montée en puissance de sa propre industrie de drones.
Selon des médias russes comme le «Moscow Times», ce sont surtout les villes de l’est du pays qui subissent la pénurie. Des files de plusieurs heures se forment devant les stations-service, souvent à sec. Le réapprovisionnement arrive parfois avec deux semaines de retard, à condition que les trains puissent circuler malgré le manque de carburant.
Trump dans l'ombre
A cette situation difficile pour Moscou s'ajoute une autre menace, venue cette fois de Washington. Depuis mercredi, les droits de douane punitifs décidés par Donald Trump frappent l’Inde. Concrètement, nombre de produits indiens sont désormais taxés à hauteur de 50% à l’importation aux Etats-Unis, l’un des niveaux les plus élevés jamais imposés par Washington.
Trump entend ainsi sanctionner l’Inde pour ses importations de pétrole russe. Cette mesure, dite secondaire, s’inscrit dans les efforts diplomatiques américains en faveur d’un accord de paix en Ukraine. En effet, les exportations énergétiques sont l’une des principales sources de financement de la guerre menée par Moscou.
Pour la Russie, ce coup de semonce risque d’être lourd. Ulrich Schmid, spécialiste de la Russie à l’Université de Saint-Gall, nous livre son analyse. «Il est possible que les importations indiennes de pétrole russe diminuent à l’avenir.» Pékin, de son côté, pourrait également limiter ses échanges avec Moscou, de peur de subir à son tour des sanctions américaines.
Un manque à tous les niveaux
Sanctions occidentales, attaques sur les infrastructures énergétiques et coups de massue commerciaux précipitent la Russie dans une impasse financière. L’inflation oscille depuis des mois autour de 10% et devrait grimper à 13%. Aucune amélioration n’est en vue – au contraire, des hausses d’impôts menacent le pays.
L’économiste suédois Anders Åslund, auteur de «Russlands Kapitalismus der Vetternwirtschaft» (en français: «Le capitalisme népotiste de la Russie»), résume dans Finanz und Wirtschaft: «Les réserves financières du pays s’épuisent, les recettes énergétiques s’érodent et la pénurie de main-d’œuvre comme de technologies importées devient critique.»
Le fonds russe se vide
Au début de la guerre, l’économie russe affichait encore une croissance annuelle de 4%. Mais l’explosion des dépenses militaires – soit 40% du budget de l’Etat – a provoqué une surchauffe de l'économie. La croissance, tirée par l’armement, plafonne aujourd’hui à 1%.
«Les productions civiles connaissent des chutes spectaculaires. La fabrication de téléviseurs, de machines à laver ou de chaussures a reculé d’environ 30%», observe Ulrich Schmid. Dans le même temps, le déficit public continue de se creuser. «Le fonds souverain russe a déjà été dilapidé de moitié pour financer la guerre. Au rythme actuel, il sera vide d’ici deux ans», prévient-il.
Pour l’expert saint-gallois, Vladimir Poutine continuera à exploiter la situation au maximum, la guerre demeurant sa priorité absolue. Mais la population russe paie un prix croissant: raréfaction du carburant, flambée des prix, crédits immobiliers inaccessibles, voyages à l’étranger hors de portée. Et Ulrich Schmid de conclure: «Pour Poutine, il devient chaque jour plus difficile de maintenir l’illusion d’une normalité auprès de sa propre population.»