Appels au cessez-le-feu
Grâce aux touristes, la Thaïlande va éviter la guerre totale

La Thaïlande et le Cambodge ne peuvent pas se permettre une guerre ouverte, après des jours de conflit frontalier. Le poids du tourisme dans leurs économies est trop important. Et il faut s'en féliciter.
Publié: 25.07.2025 à 19:51 heures
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Dernière mise à jour: 06:03 heures
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L'armée cambodgienne est moins équipée de matériel moderne que les forces thaïlandaises.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le tourisme est-il le meilleur argument pour éviter une guerre? En Thaïlande, l’une des destinations les plus prisées d’Asie du Sud-Est, la réponse est oui. Depuis le déclenchement des opérations militaires dans les régions frontalières disputées avec le Cambodge voisin, l’ex-Royaume de Siam est confronté à une hémorragie d’annulations de vols et de réservations hôtelières. Une pression économique directe sur le gouvernement, actuellement confronté à de très difficiles négociations commerciales avec les Etats-Unis.

Le cas de la rivalité meurtrière entre le Cambodge et la Thaïlande est d’ailleurs extrêmement révélateur de ce que des pays touristiques ne peuvent – peut-être – plus faire. Pour rappel, la capitale touristique du Cambodge, Siem Reap (avec les temples d’Angkor) se trouve à moins de 200 kilomètres de la frontière thaïlandaise. 12% et 9% du produit intérieur brut de la Thaïlande et du Cambodge viennent respectivement du tourisme, en 2024. La Thaïlande a accueilli plus de 35 millions de touristes l'an dernier, contre 6,7 millions pour le Cambodge.

La fuite des touristes

Toute dégradation majeure de la situation tuerait donc la poule aux oeufs d'or. Elle obligerait les touristes à fuir la cité devenue un épicentre hôtelier pour toute la région des pays du Mekong. Le tourisme a aussi été évoqué, vendredi 25 juillet, par le premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, pour justifier sa médiation et son offre de cessez-le-feu. Une offre que les deux pays semblent prêts à saisir.

Faut-il donc craindre, après une journée de tirs d’artillerie jeudi 24 juillet, une guerre ouverte dans la région du «triangle d’émeraude», celle des monts Dangrek qui séparent les deux pays? Si l’on s’en tient aux déclarations respectives des deux gouvernements et aux manœuvres militaires en cours, l’accalmie semble plutôt à l’ordre du jour. L’armée thaïlandaise, soulignent des experts, est aussi affamée de pouvoir politique (elle a réalisé près d’une vingtaine de coups d’Etats depuis les années 50) qu’elle est impliquée financièrement dans le complexe touristique bâti par le royaume au fil des dernières décennies.

L’armée impliquée financièrement

La preuve? Quantité d’hôtels, de complexes de divertissements, ou de terrains balnéaires appartiennent aux militaires, notamment à la marine royale. C’est aussi vrai au Cambodge où le nombre des généraux – environ 3000 – est astronomique. Moralité: l’encadrement des deux forces en présence n’a aucun intérêt à poursuivre des hostilités qui pourraient nuire à l’affluence étrangère.

A l’inverse, les échanges de tirs permettent de maintenir une tension qui permet aux Etats-major d’obtenir crédités et matériels des gouvernements civils, largement dominés par l’establishment en uniforme. Le premier ministre cambodgien Hun Manet, 47 ans, est ainsi un général formé à West Point, aux Etats-Unis. Il est surtout le fils de l’ex-homme fort du Cambodge Hun Sen, président du Sénat et toujours très actif. La carrière d’Hun Manet au sein des forces armées a, à chaque fois, coïncidé avec les intérêts économiques de sa famille.

Plus d’échanges commerciaux

La guerre frontalière nuit, en plus, aux échanges commerciaux entre les deux royaumes, et à la libre circulation des travailleurs cambodgiens en Thaïlande, où il sont des dizaines de milliers. Chaque chantier à vocation touristique à Bangkok, Chiang Mai ou Phuket emploie des centaines de travailleurs khmers. Le tourisme, dans ces deux pays, s’avère donc pacificateur. D’autant que la Chine, parrain financier du Cambodge et partenaire de la Thaïlande, veille sur ses ressortissants très nombreux à s’y rendre en vacances.

Décriés pour le surtourisme ou l’explosion des locations Airb’nb dans les villes et les sites balnéaires thaïlandais ou cambodgiens, les visiteurs étrangers sont aussi, heureusement, une excellente raison pour ne pas s’entretuer. 

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