Conflit et tourisme
Faut-il éviter la Thaïlande en guerre avec le Cambodge?

Il s'agit désormais d'une guerre. Entre la Thaïlande et le Cambodge, les affrontements frontaliers dégénèrent. Pour les touristes présents dans ces deux pays, les risques peuvent paraitre lointains, mais ils sont réels.
Publié: 24.07.2025 à 10:38 heures
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Dernière mise à jour: 24.07.2025 à 12:10 heures
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L'armée thaïlandaise a fait de ces incidents frontaliers avec le Cambodge un casus belli, et espère en tirer des bénéfices politiques.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

C’est une guerre. Il ne s’agit plus d’escarmouches frontalières. Entre la Thaïlande et le Cambodge, l’engrenage militaire a débouché dans la matinée du jeudi 24 juillet sur un conflit susceptible de dégénérer. Vu l’importance touristique de ces deux pays, faut-il déjà s’en inquiéter? Le moment est-il venu, en pleines vacances estivales européennes, d’éviter ces deux royaumes et leurs attractions balnéaires et historiques? Voici, en tout cas, les cinq précautions à prendre.

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Attention aux nationalismes

La Thaïlande et le Cambodge sont connus pour être les «pays du sourire». Les touristes y sont toujours bien accueillis, faisant de ces deux royaumes des destinations phares pour les visiteurs suisses et européens en Asie du Sud-Est. Gare, toutefois, à oublier les antagonismes et le poids des nationalismes. La Thaïlande (autrefois le Siam) a été, tout au long du XIXe siècle, un pays prédateur pour le royaume du Cambodge qui avait dû lui céder des régions entières, dont celle des temples d’Angkor. C’est la colonisation française de l’Indochine, commencée en 1858, qui a mis fin à cette expansion siamoise, reprise ensuite durant la Seconde Guerre mondiale avec l’aide des Japonais. Le nationalisme des deux pays est à fleur de peau. Un conseil pour les touristes: éviter les remarques qui pourraient être mal interprétées sur les réseaux sociaux, et éviter de prendre parti.

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Attention aux régions frontalières

La frontière entre la Thaïlande et le Cambodge est longue de 800 kilomètres et sa délimitation reste contestée. L’un des sujets de contentieux les plus connus est le temple de Preah Vihear, que la Cour internationale de Justice des Nations unies a déclaré, en 1962, être en territoire cambodgien même s’il est essentiellement accessible depuis la Thaïlande. Le conflit actuel a dégénéré, à la suite de la mort fin mai d’un soldat cambodgien dans une zone contestée. Pour les touristes, mieux vaut éviter, côté thaïlandais, la ville frontalière d’Aranyaprathet (en face de Poipet) et les régions de Surin-Buriram-Trat et Chanthaburi. La frontière est d’ailleurs officiellement fermée. Tenter de la franchir revient à prendre des risques inutiles. L'ambassade de France à Bangkok indique que «les déplacements dans les zones situées entre Phanom Dong Rak et Chong Bok, limitrophes du Cambodge, sont fortement déconseillés»

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Attention aux manipulations

Les touristes et les résidents étrangers dans les deux pays sont des cibles faciles pour la propagande. Pour l’heure, il n’y a aucun danger à circuler en Thaïlande et au Cambodge, hors des zones frontalières. Mais gare aux manipulations médiatiques et politiques. Mieux vaut donc se tenir à l’écart de ces débats, d’autant que l’arrière-plan de ce conflit est mafieux. Deux clans s’opposent: celui de l’ancien Premier ministre Hun Sen et de son fils Hun Manet (actuel chef du gouvernement) au Cambodge, et celui du milliardaire Thaksin Shinawatra (et de sa fille Paetongtarn, ex-Première ministre thaïlandaise) du côté siamois. Hun Sen et Thaksin Shinawatra ont dans le passé été alliés. Les casinos cambodgiens, à la frontière, ont prospéré car les jeux d’argent sont interdits en Thaïlande. Or une proposition de loi thaïlandaise récente voulait légaliser les casinos à Bangkok, Pattaya, Phuket et Chiang Mai. Un cocktail politico-financier explosif.

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Attention à la monarchie

Le crime de lèse-majesté est utilisé, en Thaïlande, comme une arme d’élimination politique et comme un moyen de «tenir» les oppositions démocratiques dans un pays où la liberté d’expression est sous surveillance. Tout commentaire sur la famille royale thaïlandaise, dans un contexte de guerre, peut vous apporter de terribles ennuis. Il ne faut pas oublier que les Suisses, en Thaïlande jouissent de l’estime liée au long passage à Lausanne du roi défunt Rama IX (disparu en 2016). La personnalité controversée de son fils, l’actuel roi Rama X, a suscité beaucoup de commentaires de presse que les médias cambodgiens pourraient être tentés d’utiliser. Se tenir à l’écart de ces polémiques est recommandé.

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Attention aux mines antipersonnel

Ce conflit devrait, a priori, être rapidement circonscrit. Il n’y a pas de raisons objectives pour que la Thaïlande et le Cambodge se livrent une guerre ouverte. Les affrontements de ce jeudi 24 juillet suivent l’expulsion par la Thaïlande de l’ambassadeur cambodgien, mais les deux pays demeurent ensemble membres de l’ASEAN, l’Association des nations d’Asie du Sud-Est. Problème: l’armée cambodgienne a recommencé à poser des mines antipersonnel le long de la frontière, malgré la signature par les deux pays de la convention d’Ottawa qui l’interdit. Or ces mines, une fois posées, sont très meurtrières. Elles furent un cauchemar à la frontière durant les décennies de guerre traversées par le Cambodge entre 1960 et l’accord de paix de 1991 qui mit fin à la guerre civile.

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