Première ministre suspendue
Ce que l'on sait de la crise politique en Thaïlande

La Thaïlande plonge dans une nouvelle crise politique. La Cour constitutionnelle a suspendu la Première ministre Paetongtarn Shinawatra à la suite d'une conversation controversée avec l'ex-Premier ministre. Cette décision soulève des incertitudes sur l'avenir du pays.
Publié: 13:23 heures
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La Première ministre thaïlandaise a été suspendue par la Cour constitutionnelle.
Photo: keystone-sda.ch

La Thaïlande traverse de nouvelles turbulences après la décision prise mardi par la Cour constitutionnelle de suspendre la Première ministre Paetongtarn Shinawatra, plongeant le royaume dans de nouvelles semaines d'incertitudes.

Un appel controversé

La publication en ligne d'un appel entre Paetongtarn et l'ancien Premier ministre cambodgien Hun Sen a mis le feu aux poudres. Dans l'entretien, enregistré et diffusé à l'insu de la dirigeante thaïlandaise, Paetongtarn compare un général de son armée à un «opposant», et utilise le terme «oncle» vis-à-vis de son interlocuteur plus âgé – une marque de politesse courante en Asie, mais jugée inappropriée dans une discussion au plus haut niveau de l'Etat.

Bangkok et Phnom Penh sont engagés dans un bras de fer depuis la mort d'un soldat khmer, fin mai, dans une zone disputée de la frontière à la suite d'un échange de tirs avec l'armée thaïlandaise.Dans ce contexte, les conservateurs ont accusé Paetongtarn d'avoir mis en péril la sécurité de son pays. L'intéressée s'est excusée et a dénoncé les manœuvres de Hun Sen.

Une trentaine de sénateurs ont déposé une plainte auprès de la Cour constitutionnelle, estimant qu'elle avait violé les «standards éthiques» et l'"intégrité» requis à son poste par la Constitution. Les juges ont accepté mardi leur requête, et décidé de suspendre la Première ministre le temps des délibérations, sans préciser de calendrier. Paetongtarn risque la destitution.

Remaniement après la suspension de Paetongtarn

Dans la foulée de la fuite de l'entretien avec Hun Sen, les conservateurs du Bhumjaithai ont claqué la porte de la coalition, laissant Paetongtarn avec une majorité tenue au Parlement. Leur départ du gouvernement conduit à un remaniement que le roi a approuvé mardi, quelques heures avant la suspension de la Première ministre. Mais après la décision des juges, le plan est à revoir.

Le vice-Premier ministre et ministre des Transports Suriya Jungrungreangkit a pris la relève de Paetongtarn, mais il pourrait être remplacé par Phumtham Wechayachai, futur ministre de l'Intérieur, quand celui-ci aura prêté serment jeudi, selon des spécialistes. Dans le nouveau cabinet, Paetongtarn doit également occuper la fonction de ministre de la Culture, ce qui pourrait lui permettre de rester au gouvernement, si ses démêlés avec la justice le lui permettent.

Agitations politiques depuis les années 2000

Depuis les années 2000, des troubles politiques à répétition secouent la deuxième économie d'Asie du Sud-Est, mais la crise en cours intervient en pleine offensive douanière américaine, qui a mis le gouvernement au devant de décisions cruciales.

Des émissaires de Bangkok doivent rencontrer cette semaine aux Etats-Unis, pour la première fois, des responsables de la Maison Blanche, alors que la date butoir a été fixée au 9 juillet. Le sort du pays est aussi lié à celui de Thaksin Shinawatra, l'ancien Premier ministre (2001-2006) qui reste au coeur de l'échiquier politique par le biais de sa fille Première ministre et de leur parti qu'il contrôle.

Le milliardaire de 75 ans risque jusqu'à quinze ans de prison dans un procès pour lèse-majesté qui s'est ouvert mardi à Bangkok. Une autre procédure judiciaire, pour des soupçons d'un traitement de faveur dont il aurait bénéficié lorsqu'il a purgé une partie de sa peine dans un hôpital, est aussi en cours.

«Comme Paetongtarn est maintenant dans un flou politique prolongé, la Thaïlande aura un gouvernement sans direction», a déclaré à l'AFP l'analyste thaïlandais Thitinan Pongsudhirak, qui prévoit «de l'inertie politique et des directions obscures». «Les luttes intestines et les querelles définiront probablement le gouvernement de coalition», a-t-il poursuivi.

Le principal parti d'opposition a réclamé la tenue de nouvelles élections. Le pays a aussi connu une vingtaine de coups d'Etat réussis ou tentés depuis la fin de la monarchie absolue en 1932, ce qui entretient toujours l'hypothèse d'une intervention de l'armée en cas d'impasse prolongée.

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