Le président syrien par intérim, Ahmed al-Charaa, a fait volte-face. Fin 2024, il figurait encore sur la liste américaine des personnes les plus recherchées – avec une prime de 10 millions de dollars sur sa tête. Lundi, il était assis tout sourire dans le Bureau ovale en face de Donald Trump, qui n'a pas tari d'éloges à son égard – avant et après la rencontre. Il a même dit qu'il était «impatient de le rencontrer à nouveau».
Ahmed al-Charaa traîne une longue carrière de terroriste islamiste, a passé cinq ans dans une prison américaine en Irak et a renversé le régime de Bachar al-Assad avec ses rebelles au début de l'année. Une situation qui semble impressionner Donald Trump. Mais pour d'autres, le rapprochement syro-américain est un cauchemar. A l'image d'un certain… Benjamin Netanyahu.
Le fait qu'Ahmed al-Charaa ait officiellement rejoint lundi la coalition dirigée par les Etats-Unis contre l'Etat islamique (EI) et qu'il assure agir contre l'organisation terroriste devrait plaire au chef du gouvernement israélien. Durant ce week-end, la police syrienne a arrêté 71 terroristes présumés de l'EI. Le fait qu'Ahmed al-Charaa ait clairement fait savoir qu'aucune branche iranienne ne serait tolérée dans le pays va-t-il séduire Benjamin Netanyahu?
En réalité, une Syrie forte et unie, telle qu'Ahmed al-Charaa veut l'instaurer avec l'aide de Donald Trump, constituerait un revers massif pour Israël. Car l'Etat hébreux tire profit de la division de son voisin. Le débat sur les hauteurs du Golan, annexées en 1967 et appartenant toujours à la Syrie en vertu du droit international, ne serait pas relancé.
Une paix avec Israël pas si proche
Actuellement, la Syrie est loin d'être un pays fort et uni. Après 13 ans de guerre civile, on estime que près de 90% de la population vit dans la pauvreté. Des combats sanglants éclatent régulièrement entre les forces sunnites d'Ahmed al-Charaa et les minorités du pays. Selon la Banque mondiale, la reconstruction du pays devrait coûter environ 216 milliards de dollars. Et l'on ne sait pas si le président syrien parviendra vraiment à intégrer les quelque 70'000 combattants kurdes des Forces démocratiques syriennes dans son armée.
Mais une Syrie unie serait en mesure de s'opposer plus efficacement aux agressions israéliennes. Pour rappel, depuis décembre 2024, les Israéliens ont mené plus de 1000 frappes aériennes dans le pays. Les bonnes relations qu'Ahmed al-Charaa entretient avec Washington et Moscou exercent une pression supplémentaire sur Israël, pour qu'il se montre prudent avec son voisin syrien.
Selon les médias américains, Donald Trump souhaite déployer des avions de combat américains en Syrie pour surveiller le respect d'une éventuelle paix entre les deux pays. Selon ses dires, ce serait alors la onzième guerre à laquelle il aurait mis fin en une année. Mais la paix ne semble pas si proche. Après sa rencontre avec le président américain à Washington, Ahmed al-Charaa s'est exprimé sur ses relations avec Israël: «La Syrie partage une frontière avec Israël, qui occupe les hauteurs du Golan depuis 1967. Nous n'entamerons pas de négociations directes pour le moment.»
Bombes et paniers à trois points
On ne sait pas exactement quelle part de ses convictions djihadistes – autrefois antisionistes – l'ancien membre d'Al-Qaïda a abandonnée. Car Ahmed al-Charaa est un véritable caméléon. Ce n'est pas seulement son changement de nom qui le montre (il se faisait appeler Abu Mohammed al-Golani jusqu'à récemment), mais également ses nombreuses alliances et ruptures avec toutes sortes d'organisations par le passé. Il a été tantôt actif à Al-Qaïda en Irak, tantôt chef du Front al-Nosra en Syrie, tantôt chef d'une vaste organisation rebelle contre Bachar al-Assad.
Dernier changement d'Ahmed al-Charaa en date: lorsqu'il a fait un match de basket à Washington avec des officiers supérieurs américains. Lancer quelques ballons avec l'ancien «ennemi» et marquer des tirs à trois points, en chemise et cravate, est une façon de le faire passer pour un réformateur.
Peut-être réussira-t-il là où tous les autres ont échoué depuis la création de l'Etat en 1946: à unifier la Syrie de manière pacifique. Un conte de fées pour la Syrie, mais un cauchemar pour Israël.