Sanchez et Lula résistent
De Brasilia à Madrid, ils disent à Trump «No Pasaran»

Deux hommes incarnent aujourd'hui la résistance aux diktats économiques des Etats-Unis. Le premier, l'Espagnol Pedro Sánchez, a refusé les commandes imposées de matériel militaire américain. Le second, Lula, se voit infliger des tarifs de 50%.
Publié: 31.07.2025 à 13:25 heures
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Dernière mise à jour: 31.07.2025 à 16:29 heures
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Le président brésilien Lula da Silva doit maintenant faire face à des droits de douane américains de 50%.
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils disent tous deux «No pasaran» ou «Nao passarao». En Espagnol comme en portugais, cela signifie qu’ils «ne passeront pas». Ils? L’administration Trump et ses diktats militaires ou commerciaux. Le président du Brésil, Lula da Sila, vient encore d’en faire l’expérience avec l’annonce par Washington de l’application de tarifs à 50% sur les produits brésiliens importés aux Etats-Unis. 50% pour le faire plier, mais l’ancien syndicaliste de 79 ans a dit non et tient bon. Pour combien de temps?


Lula et Pedro Sánchez. Le président du Conseil espagnol, âgé de 53 ans, est aussi l’homme qui a dit non. Le socialiste qui gouverne son pays avec une très fragile majorité de gauche et d’indépendantistes catalans, a refusé les exigences de Donald Trump à la fin juin, au sommet de l’OTAN, l’Alliance atlantique dominée sans partage par les Etats-Unis. 

Mot d’ordre accepté par tous les pays membres de la plus puissante coalition miliaire mondiale: consacrer désormais 5% de son budget à la défense, dont 3,5% pour des achats d’équipements militaires. Or Sánchez n’a pas plié, du moins lors du sommet. Oui, il augmentera ses dépenses militaires. Mais non, il ne s’alignera pas devant les demandes de Trump.

Face à l’Oncle Sam

La réalité est toujours plus complexe que les déclarations. Dans les faits, les Etats-Unis sont le deuxième client du Brésil, qui ne peut guère se permettre une guerre des tarifs avec Washington. En Espagne, où la défense représente 1,24% de son PIB en 2024, l’effort programmé pour passer à 2% va aussi de facto dans le sens demandé par l’Oncle Sam. 

Mais Donald Trump ne s’y est pas trompé. Il a ostensiblement boudé Pedro Sánchez lors des débats de l’OTAN à La Haye (Pays-Bas) et il a fait de Lula son «ennemi» latino-américain. Logique: au Brésil, l’ancien promoteur immobilier new-yorkais a un ami: l’ex président Jair Bolsonaro, aujourd’hui poursuivi par la justice.

Madrid et Brasilia: dans les deux cas, l’hostilité à Trump dit beaucoup de la résistance qui s’installe. En France, Emmanuel Macron plaide pour la souveraineté européenne et dénonce l’accord commercial récemment conclu en Ecosse par Ursula von der Leyen, mais il est de facto prêt à l’accepter. 

Le Brésil et l’Espagne sont deux cas différents. Les deux pays ont connu une dictature militaire féroce. Les Espagnols sont aussi beaucoup moins concernés que leurs voisins européens par la menace russe. Le président brésilien Lula est, depuis le début de la guerre en Ukraine, l’un des dirigeants qui continue de ménager Moscou. En clair: ces deux pays, pour des raisons différentes, croient dans une «troisième voie» possible face au bulldozer en poste à la Maison-Blanche.

Le fantôme Bolsonaro

Le cas du Brésil se mêle en plus de politique intérieure. Jair Bolsonaro, l’ex capitaine de l’armée qui a présidé le géant d’Amérique latin entre 2019 et 2023, s’est rendu coupable du même mépris que Trump pour les institutions démocratiques. 

Le 7 janvier 2023, ses partisans ont déferlé sur Brasilia après sa défaite électorale pour tenter de prendre le pouvoir, à l’image de ce qui s’était passé à Washington, pile deux ans plus tôt. La justice brésilienne accuse aussi Bolsonaro d’avoir cherché à faire tuer Lula. 

Or Trump défend Bolsonaro par tous les moyens. Il sait que le Brésil est incontournable en Amérique du Sud. Il veut que l’ultralibéral président argentin Javier Milei, son autre ami, domine la scène. La bataille est donc bien plus que commerciale.

Gaza, le red flag de Madrid

L’Espagne est dans une position plus ambiguë. Le pays est la destination phare des importations de gaz liquéfié des Etats-Unis, transformé dans ses usines spécialisées. Mais sur un dossier, Madrid ne cesse de dire non, de la façon la plus véhémente, aux diktats américains: celui de la Palestine et de Gaza. 

L’Espagne a été, en mai 2024, l’un des pays de l’Union européenne (UE) (avec la Slovénie et l’Irlande, plus la Norvège hors de l’UE) qui a eu le courage de reconnaître l’Etat de Palestine. Depuis, l’opinion publique espagnole est vent debout contre les crimes commis par l’armée israélienne. Et cela, Trump ne le supporte pas.

Deux résistants

Deux résistants. Deux hommes qui incarnent, chacun à leur manière, l’anti-trumpisme dans des pays qui sont de jeunes démocraties. Des exemples? A voir, car l’un comme l’autre sont en situation compliquée. Lula le Brésilien a par exemple absolument besoin de l’accord commercial du Mercosur avec l’UE que la France continue de bloquer pour des raisons agricoles. 

L’Espagnol Sánchez est en revanche plus favorable à l’accord commercial récent avec Washington, mais il sait que sa population vit aussi très mal la chasse aux immigrants hispaniques illégaux aux Etats-Unis. Sánchez et Lula prouvent, en tout cas, que dire oui à Trump n’est pas une obligation. Même s’il faut être prêt, ensuite, à en assumer les conséquences.

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