Une aubaine pour Poutine?
Les tensions entre ces deux poids lourds risquent de faire voler en éclat l'OTAN

Alors que Moscou multiplie les provocations, les tensions entre la Pologne et l’Allemagne interrogent la cohésion européenne. Varsovie accuse Berlin de la marginaliser sur la sécurité, au risque de fragiliser la réponse occidentale face à la Russie.
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Donald Tusk et Friedrich Merz se sont rencontrés le 1er décembre sur fond de méfiance.
Photo: AFP via Getty Images
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Solène MonneyJournaliste Blick

A l’heure où Moscou multiplie les provocations, les divisions entre la Pologne et l’Allemagne posent une question centrale: l’OTAN peut-elle rester soudée malgré la méfiance persistante entre deux de ses principaux piliers européens?

Dans un climat de fortes tensions régionales liées à la guerre en Ukraine, Donald Tusk et Friedrich Merz se sont retrouvés lundi 1er décembre à Berlin pour leurs consultations annuelles, avec un enjeu majeur à l’ordre du jour: la sécurité. Mais la méfiance continue de peser lourdement sur la relation bilatérale, rappelle Euronews.

Alors que Friedrich Merz a insisté sur la nécessité de solidarité, Donald Tusk a souligné les différends persistants, reprochant à Berlin de marginaliser Varsovie sur les dossiers stratégiques. Un grief qui inquiète à un moment où le Kremlin repousse les limites, un manque de coordination entre les deux capitales affaiblirait et ouvrirait une brèche sur le front européen.

Une frustration croissante

Varsovie a besoin de Berlin en matière de sécurité, mais se dit régulièrement mise à l’écart. «Il m’a fallu plusieurs années pour convaincre nos partenaires allemands de considérer la sécurité de cette région comme une responsabilité partagée», a rappelé Donald Tusk. Selon lui, l’Allemagne prône l’inclusion de la Pologne, mais ne l’associe pas pleinement lorsque les décisions cruciales doivent être prises.

Cette frustration s’est accentuée lors des discussions récentes sur la défense européenne et l’architecture sécuritaire du continent. Le plan de paix américain pour l’Ukraine a même été débattu sans participation directe de Varsovie, alors qu’il portait notamment sur la protection de son territoire. Pour Donald Tusk, aucune décision sur la sécurité européenne ne peut être prise sans la Pologne.

Des rancœurs de la Deuxième Guerre mondiale

Selon le dernier baromètre germano-polonais, seul un tiers des Polonais dit apprécier son voisin. Les tensions s’ancrent aussi dans l’histoire: Varsovie continue de réclamer des réparations pour les crimes nazis. En 2022, elle a officiellement demandé 1300 milliards d’euros à Berlin à titre de dommages.

Pour Berlin, pas question d'entrer en matière. Lors de la visite d'Etat du président polonais Karol Nawrocki en Allemagne en octobre, Friedrich Merz et le président allemand Frank-Walter Steinmeier ont tous deux rejeté la demande de réparations.

Un danger pour l'OTAN?

Si les tensions entre Varsovie et Berlin ne remettent pas en cause l’engagement formel de l’OTAN envers la défense collective, elles peuvent affecter la cohésion politique de l’Alliance à un moment particulièrement sensible. Les défis sécuritaires sur le flanc Est exigent une coordination étroite, et le moindre flottement entre deux acteurs centraux peut compliquer la prise de décision commune et affecter la réponse aux provocations de Poutine.

Selon l'expert de l’Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité Kai-Olaf Lang, la rencontre de Berlin n’a pas suffi à dissiper les doutes. Les blocages internes en Pologne ralentissent la coopération, ce qui donne à l’Allemagne l’impression que Varsovie avance dans la même direction, mais de manière hésitante.

Cette perception nourrit un climat de méfiance alors même que la Pologne se considère comme un acteur indispensable à la sécurité de l’Europe centrale et orientale. Depuis février 2022, Varsovie estime d’ailleurs que son poids stratégique s’est encore renforcé, en raison de son rôle clé sur le front logistique et militaire ukrainien.

Des efforts communs

Pour autant, la relation n’est pas figée dans un affrontement permanent. Malgré les tensions, des avancées concrètes s’accumulent, notamment dans la coopération militaire et le soutien à l’Ukraine. Varsovie et Berlin participent ensemble à l’acheminement d’aide, au renforcement des capacités de défense ukrainiennes et à la coordination des infrastructures critiques. Cette dynamique, encore fragile, montre qu’une coopération étroite reste possible lorsque les intérêts convergent.

Donald Tusk estime que ces efforts communs constituent l’un des meilleurs garde-fous pour la sécurité du continent. En d’autres termes: même si le climat politique reste chargé, la nécessité stratégique pousse les deux pays à travailler ensemble. Et cette coopération, essentielle pour l’OTAN, tend à s’amplifier sur les dossiers les plus urgents.

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