Rencontre dimanche en Floride
Pourquoi Zelensky et Trump parlent enfin d'une même paix?

Les présidents américain et ukrainien se rencontreront ce dimanche en Floride. Pour valider ensemble un plan de paix commun? Cette fois, leurs points de vue semblent s'être rapprochés. La paix serait-elle possible avant la fin 2025?
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Entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump, une image désastreuse demeure: celle de leur rencontre à la Maison-Blanche le 28 février 2025.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

C’est un diplomate européen qui l’avoue: «Oui, la paix est possible en Ukraine avant la fin 2025.» Aussitôt cet aveu fait, notre interlocuteur multiplie les garde-fous. Il faudra, bien sûr, convaincre Vladimir Poutine, qui ne semble prêt à aucune concession. Il faudra aussi que les Etats-Unis ne changent pas d’avis in extremis. Et il faudra pour cela que les Européens restent solidement unis dans leur soutien à Volodymyr Zelensky.

N’empêche: une brèche est apparue. Les négociations se sont accélérées ces derniers jours, au point que le président ukrainien et Donald Trump vont peut-être parler le même langage ce dimanche en Floride. Pourquoi? Parce que cinq paramètres ont changé.

La paix avec la sécurité

C’est le point essentiel. Les Etats-Unis, selon le plan de paix en vingt points présenté cette semaine par Volodymyr Zelensky, apporteront leur garantie de sécurité à l’Ukraine. Jusqu’ici, Donald Trump avait toujours semé le flou: OK pour soutenir les Européens dans le déploiement d’une force de «réassurance», mais sans plus, et sans engagement précis.

Cette fois, Washington semble être prêt à mettre son poids dans la balance. Les garanties de sécurité collectives données à l’Ukraine s’inspireront de l’article 5 de l’OTAN, à savoir que toute attaque contre ce pays sera considérée comme une attaque contre tous. Un pas énorme, même si le fou demeure sur les intentions de Washington vis-à-vis de l’OTAN, et qu’un retrait partiel des troupes américaines d’Europe est attendu en ce début 2026.

La réserve: Poutine veut toujours une Ukraine «neutre» et la plus démilitarisée possible.

La paix sans abdication

Donald Trump l’avait bien montré en disposant une carte de l’Ukraine dans son bureau ovale lors de sa rencontre très orageuse avec Volodymyr Zelensky, le 28 février 2025. In fine, la partie la plus dure d’un accord de paix sera celle qui concerne les territoires. Or, depuis quelques jours, les États-Unis semblent avoir accepté la formule proposée par les Européens.

L’Ukraine ne renoncera pas formellement aux territoires qu’elle perdra de facto, car ils sont occupés par l’armée russe et qu’une zone démilitarisée sera instituée autout de l’actuelle ligne de front. Il n’y aura donc pas d’abdication de Kiev, ce que souhaitait Poutine. Mieux: l’armée ukrainienne aura un effectif de 800’000 hommes et sera armée en conséquence par ses alliés pour repousser tout assaut.

La réserve: La Russie a déjà officiellement annexé les 4 oblasts de Louhansk, Donetsk, Kherson et Zaporijia. Après avoir annexé la Crimée en 2014.

La paix sonnante et trébuchante

C’est un aspect détaillé dans le plan de paix en vingt points présenté par Volodymyr Zelensky: la reconstruction du pays sera un énorme chantier, ce qui ravit l’ancien promoteur immobilier Donald Trump. Parmi les mesures évoquées:

  1. La création d’un Fonds de développement de l’Ukraine pour investir dans des secteurs à forte croissance, dont la technologie, les data centers et l’intelligence artificielle.
  2. Les Etats-Unis et les entreprises américaines coopéreront avec l’Ukraine et co-investiront dans la reconstruction, ainsi que dans le développement, la modernisation et l’exploitation des infrastructures gazières de l’Ukraine, y compris ses gazoducs et ses installations de stockage.
  3. Des efforts conjoints seront déployés pour reconstruire les zones touchées par la guerre, afin de restaurer, rebâtir et moderniser les villes et les quartiers résidentiels.
  4. L’extraction de minerais et de ressources naturelles. Le tout avec un financement spécial de la Banque mondiale, en plus d’un fonds d’investissement de 200 milliards de dollars (soit le montant des avoirs russes gelés en Europe). Vous avez dit «eldorado»?

La réserve: La Russie exige la rétrocession de ses fonds gelés et elle fait miroiter des contrats russes à Trump.

La paix qui ménage Moscou

On l’a compris, car il l’a dit et répété depuis son investiture le 20 janvier 2025: Donald Trump considère que l’Ukraine, pays plus petit et moins puissant que la Russie, aurait dû tout faire pour éviter la guerre. Dans les faits, cela revient à excuser, ni plus ni moins, l’agression russe du 24 février 2022. De facto, c’est donc une paix qui ménage Moscou que les Etats-Unis ont en tête, au point d’avoir avalisé, en novembre, l’idée d’une amnistie générale pour les dirigeants russes impliqués dans ce qu’ils nomment toujours «l’opération militaire spéciale en Ukraine». Rien d’ailleurs, ne figure dans le dernier plan en circulation sur l’aspect judiciaire pourtant essentiel jusque-là aux yeux de Kiev. A retenir aussi:

  1. L’Ukraine se réserve le droit à réparation pour les dommages infligés (celles-ci ne sont donc pas imposées).
  2. L’Ukraine confirme qu’elle demeurera un État non nucléaire conformément au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (la centrale nucléaire de Zaporijjia serait gérée conjointement par trois pays: l’Ukraine, les États-Unis et la Russie).
  3. L’Ukraine s’engage à appliquer les règles de l’Union européenne en matière de tolérance religieuse et de protection des langues minoritaires.

La réserve: Vladimir Poutine veut pouvoir revendiquer une victoire. Ce qui ne gène guère Donald Trump.

La paix assortie d’élections

C’est le grand risque de cette paix, mais l’Ukraine n’a guère le choix compte tenu des pressions américaines: il s’agit davantage de faire cesser les combats que de parvenir à un règlement de paix durable. Tout dépendra donc de l’accord de Moscou sur le type de garanties de sécurité offertes à Kiev.

Mais un autre élément est crucial, exigé depuis le début par l’administration Trump: des élections seront organisées au plus vite en Ukraine, et la Russie a déjà signalé que les Ukrainiens présents sur son territoire (cinq millions selon Moscou) devront pouvoir voter. Ce volet est indispensable pour Trump, qui ne se privera sans doute pas de désigner et de soutenir un candidat à la future présidentielle.

La réserve: Poutine a l’avantage militaire sur le terrain. Pourquoi ne poursuivrait-il pas son offensive?

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