Après le putsch au Gabon d'il y a cinq jours, le général Brice Oligui Nguema prête serment lundi. Depuis le putsch de mercredi, il s'affiche chaque jour entouré des généraux et colonels commandant les corps de l'armée, de la gendarmerie et de la police. En dehors d'une frange de l'ancienne opposition, qui l'exhorte à lui remettre le pouvoir, la population semble majoritairement afficher, dans de petites manifestations quotidiennes, sa gratitude envers une armée qui l'a «libérée du clan Bongo».
La famille Bongo dirigeait sans partage depuis plus de 55 ans ce petit Etat d'Afrique centrale, parmi les plus riches du continent grâce à son pétrole mais dont la richesse était accaparée par une élite dans et autour de cette famille que l'opposition, et les putschistes depuis mercredi, accusent de «corruption» «massive» et de «mauvaise gouvernance».
Ali Bongo Ondimba, 64 ans, en résidence surveillée depuis le putsch, avait été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui avait déjà dirigé le pays plus de 41 ans. Le «patriarche» était aussi l'un des piliers de la «Françafrique», système de cooptation politique, chasses gardées commerciales et corruption entre la France et certaines de ses ex-colonies du continent.
Garde prétorienne
Mercredi à l'aube, moins d'une heure après la proclamation des résultats de la présidentielle du 26 août, et la réélection annoncée à près de 65% de M. Bongo, des militaires ont proclamé «la fin du régime», l'accusant d'avoir truqué le scrutin.
Un putsch «sans effusion de sang», assure le général Oligui. Aucun mort ni blessé n'a été rapporté à ce jour.
Dès le lendemain, les militaires ont proclamé chef d'un Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) Brice Oligui Nguema, général de 48 ans pourtant jusqu'alors à la tête de la redoutable Garde républicaine (GR), garde prétorienne des Bongo père et fils depuis des décennies.
«Un coup d'Etat institutionnel»
L'Union africaine, l'Union européenne, l'ONU et une grande partie des capitales occidentales ont condamné le coup d'Etat mais en insistant généralement sur une «différence» avec les putschs dans d'autres pays du continent (huit en trois ans) parce qu'il a été précédé, selon elles, d'une élection manifestement frauduleuse. «Un coup d'Etat institutionnel», a même souligné le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Depuis, le général Oligui a enchaîné, à un rythme effréné, des heures de discussions très médiatisées avec l'ensemble des «forces vives de la Nation»: les clergés, les chefs d'entreprise, les syndicats, la société civile, nombre de partis politiques et anciens ministres, les ONG, les diplomates, les bailleurs de fonds, les journalistes... Il a consciencieusement pris des notes et répondu longuement aux interrogations et doléances.
Lutte contre la corruption?
Le nouvel homme fort de Libreville martèle qu'il a fait de la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance son principal cheval de bataille avec le «redressement de l'économie» et la redistribution des revenus et richesses du pays aux populations.
Il a promis vendredi d'organiser, sans préciser quand, «des élections libres, transparentes, crédibles et apaisées». Mais ceci seulement après avoir fait adopter, «par référendum», une nouvelle Constitution pour des «institutions plus démocratiques» et «respectueuses des droits humains». «Sans précipitation», a-t-il précisé.
La junte n'avait pas encore levé dimanche le couvre-feu décrété par l'ancien pouvoir au soir de la présidentielle. Pourtant, la vie a repris son cours dès le lendemain du putsch.
Famille de l'ancien président détenue
Depuis le coup d'Etat, les télévisions publiques diffusent à l'envi des images de l'un des fils du président déchu, Noureddin Bongo Valentin, et d'autres jeunes hommes proches de lui ou de l'ex-Première dame, sa mère Sylvia Bongo, qui est «détenue» arbitrairement et au secret au Gabon, selon ses avocats.
Ils sont tous d'anciens hauts responsables de la présidence, montrés devant des malles, cartons et sacs débordant de liasses de billets de banque saisis à leurs domiciles, selon les nouvelles autorités.
Ces membres dits de la «jeune garde» entourant Ali Bongo Ondimba sont détenus notamment pour «haute trahison», «détournements massifs de deniers publics» et «falsification de la signature» du chef de l'Etat, selon les putschistes qui accusent, en écho à l'opposition depuis des années, des membres de la famille proche d'Ali Bongo Ondimba de l'avoir «manipulé» en profitant des séquelles d'un grave AVC survenu en 2018.
(AFP)