Volodymyr Zelensky a affronté de violents vents contraires après son atterrissage à Washington hier soir. Mais après ces aléas météorologiques, le président ukrainien pourrait se retrouver coincé dans une tempête politique à la Maison Blanche ce soir.
En effet, le président américain Donald Trump a contrarié les plans de son invité peu avant leur deuxième rencontre. L'objectif de Zelensky de le convaincre de transférer ses missiles Tomahawk à l'Ukraine semble s'éloigner. L'Ukraine risque bien de subir une profonde humiliation d'une ampleur historique.
Un avantage décisif
Ces derniers temps, l'Ukraine s'est montrée confiante quant à sa capacité à acquérir les missiles Tomahawks, avec une portée maximale de 2500 kilomètres. Précisons que ces systèmes sont complexes à utiliser, comme nous l'a expliqué l'expert en sécurité Joachim Krause. De plus, leur utilisation nécessite des mois de formation à l'étranger pour les spécialistes ukrainiens.
Mais ces puissants missiles pourraient donner à l'Ukraine un avantage décisif. Zelensky utilise déjà ses drones et ses missiles avec brio pour frapper des cibles pétrolières russes loin derrière les lignes de front.
Comparer Poutine au Hamas
Ces derniers temps, pas moins de 57 régions russes ont signalé une pénurie d'essence. La semaine dernière, l'Ukraine a attaqué l'une des plus grandes raffineries de Russie, à Saratov, qui approvisionne les forces armées de Poutine en essence. Cette attaque a considérablement affaibli le régime du Kremlin: ses soldats sont à court de carburant et le chef du Kremlin est soumis à une pression inhabituelle.
C'est précisément pour de telles attaques en profondeur que les Tomahawks – payés par l'OTAN, qui achèterait les armes aux Etats-Unis et les livrerait à Kiev – seraient extrêmement utiles. De plus, ces missiles seraient même en mesure de détruire des cibles militaires russes bien protégées.
Mais Trump a brisé les rêves de Tomahawks de Zelensky avant même de le rencontrer. Lors d'une conversation téléphonique de deux heures et demie avec Poutine – dont Zelensky n'a eu connaissance qu'après son arrivée à Washington –, il a taquiné le dirigeant russe en lui demandant: «Cela vous dérangerait-il que je donne quelques milliers de Tomahawks à votre adversaire?» Poutine s'est évidemment montré peu enthousiaste à cette idée. Trump a ajouté que les Etats-Unis ne disposent pas assez de missiles en stock pour les céder à l'Ukraine.
Peu avant le sommet avec le président américain, Zelensky tente de faire bonne figure dans un jeu qui s'avère une fois de plus très délicat. «Nous constatons déjà que Moscou s'empresse de reprendre le dialogue simplement parce que la Russie a entendu parler des Tomahawks», a-t-il écrit sur Telegram. Selon lui, Poutine n'est pas plus courageux que le Hamas ou tout autre terroriste. «Le langage de la force jouera certainement contre lui aussi.»
Une pure provocation pour l'Ukraine
Trump pourrait être tenté de poursuivre sur sa lancée de succès pacifiques et d'assurer une percée en Europe de l'Est après le Proche-Orient. Peut-être pourrait-il aussi profiter de sa rencontre avec Zelensky ce soir (à 19h, heure suisse) et de celle prévue avec Poutine à Budapest dans les deux prochaines semaines pour faire diversion du processus de paix entre Israël et le Hamas, actuellement au point mort.
A bien des égards, les évènements ont repris leur cours habituel avant le sommet à la Maison Blanche ce soir: Poutine menace d'une escalade avec les Tomahawks. Zelensky demande plus d'armes. Et Trump tire les ficelles avec assurance, prêt à monter tous les joueurs les uns contre les autres comme bon lui semble.
Et l'Europe? Le simple choix de Budapest est une provocation. La Hongrie est le pays le plus favorable à Poutine de toute l'UE. Et Budapest est le lieu où l'Ukraine a signé le «Mémorandum de Budapest» en 1994. En échange de garanties de sécurité de la part des Etats-Unis et de la Russie, l'Ukraine a cédé l'intégralité de son arsenal nucléaire – alors le troisième au monde – à Moscou. Rétrospectivement, une erreur flagrante!
Le plan de Budapest de Trump prouve que sa compréhension de l'importance historique est aussi limitée que son respect pour l'Europe. Le vieux continent n'a plus aucune importance dans ses calculs. Dans son monde de «paix par la force», l'hésitation n'est plus permise.