Le traité international d’interdiction est fragilisé
Plus de 6'200 victimes de mines et de restes explosifs dans le monde

En 2024, plus de 6200 personnes ont été tuées ou blessées par des mines, alors que le financement du déminage baisse et que le traité international d’interdiction est fragilisé.
En 2024, plus de 6'200 personnes ont été tuées ou blessées par des mines alors que le financement du déminage diminue.
Photo: Anadolu Agency via Getty Images
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AFP Agence France-Presse

L'utilisation de mines en Birmanie, en Ukraine et dans d'autres conflits, couplée à des réductions de financement pour le déminage, a entraîné une augmentation du nombre de victimes en 2024, selon un rapport lundi, qui s'alarme que le traité d'interdiction international soit confronté à des «défis sans précédent».

Selon l'Observatoire des mines, 6'279 personnes ont été blessées ou tuées par des mines et des restes explosifs de guerre dans 52 pays et régions l'année dernière. Les civils – dont près de la moitié sont des enfants – représentent 90% des victimes mondiales, selon ce rapport publié par la Campagne internationale pour l'interdiction des mines terrestres (ICBL). 

Le nombre total de victimes, dont 1945 ont été tuées, a augmenté de près de 500 par rapport à l'année précédente et il s'agit du décompte annuel le plus élevé depuis 2020.

Le rapport «révèle une réalité préoccupante: alors que les efforts pour dépolluer les zones minées font face à une diminution du financement international pour des activités humanitaires essentielles, les civils en subissent les conséquences», alerte l'ICBL dans un communiqué. L'organisation dénonce aussi les «défis sans précédent à l'encontre de l'interdiction internationale des mines antipersonnelles, en vigueur depuis plus de 25 ans», après que cinq pays de l'OTAN ont annoncé en mars qu'ils quitteraient le traité par crainte de «l'agression russe».

«Les normes établies par le traité sont directement menacées alors que l'Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne sont en train de se retirer en vertu de l'article 20 du traité», déclare l'ICBL. Elle souligne également la tentative de l'Ukraine de «suspendre» son application en raison du conflit qui fait rage depuis que la Russie a lancé son invasion à grande échelle il y a près de quatre ans, insistant sur le fait qu'une telle action, «n'est pas permise en vertu du traité».

Une «érosion dangereuse»

«Ces développements, associés à la poursuite de l'utilisation et de la production de mines antipersonnel, marquent une dangereuse érosion de la norme internationale qui a sauvé d'innombrables vies depuis 1999», poursuit l'ICBL. «Il n'est pas question de revenir en arrière», insiste sa directrice Tamar Gabelnick dans le communiqué. «Les progrès déjà accomplis sont trop importants ; et le coût humain est tout simplement trop élevé».

L'augmentation du nombre de victimes est en grande partie due aux mines utilisées dans des pays non-parties au traité comme la Birmanie, la Syrie et la Russie, ainsi que par l'Ukraine, partie du traité.

Le rapport constate que la Russie a utilisé des mines antipersonnel «de manière intensive» en Ukraine depuis février 2022. Il y a par ailleurs «des indices suggérant» cette «par l'Ukraine», indique le rapport, ajoutant toutefois que «l'ampleur de cette utilisation n'est pas claire». Les conséquences dans le pays sont en particulier difficiles à établir, l'Ukraine ayant enregistré près de 300 victimes de ces dispositifs l'année dernière.

La Birmanie, ravagée par une guerre civile, a quant à elle enregistré le plus grand nombre de victimes au monde en 2024 pour la deuxième année consécutive, avec 2'029 personnes blessées ou tuées.

En deuxième position, avec 1015 victimes, se trouve la Syrie, où les civils ont été fortement exposés aux mines terrestres et aux restes explosifs en retournant chez eux après la chute de Bachar al-Assad en décembre, qui a mis fin à près de 14 ans de guerre civile.

Crise de financement

À l'échelle mondiale, l'Observatoire note que la surface totale déminée a diminué en 2024 par rapport aux années précédentes, «reflétant la réduction des financements venant des bailleurs de fonds, et l'insécurité croissante dans les régions affectées».

Le rapport souligne également que les contributions pour l'assistance aux victimes, qui ne représentent que 5% de l'ensemble du financement des actions contre les mines, ont diminué de près d'un quart en 2024. Ces défis ont été encore aggravés cette année par une crise dramatique du financement de l'aide internationale.

Depuis que Donald Trump est revenu à la Maison Blanche en début d'année, les Etats-Unis, traditionnellement le principal donateur mondial, ont réduit considérablement leur aide. Bien que les Etats-Unis ne figurent pas parmi les 166 signataires du traité d'interdiction, ils ont été le plus grand contributeur national unique aux actions contre les mines. 

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