Henrik Lenkeit menait une vie sans histoire. Pendant 49 ans, cet Allemand à la fois conseiller conjugal et pasteur, a vécu dans l'ombre d'un énorme secret qui pesait sur sa famille. Jusqu'à ce qu'un jour, en août 2024, il découvre l'impensable: il est le petit-fils du chef des SS et bras droit d'Hitler, Heinrich Himmler. Après s'être muré dans le silence, il raconte son histoire pour la première fois au «Telegraph», le mercredi 29 octobre.
Henrik Lenkeit a grandi au Nord de l'Allemagne. Enfant, il rendait régulièrement visite, avec ses parents, à sa grand-mère maternelle qui vivait dans le sud du pays. Une femme aimable, chaleureuse et qui offrait toujours des chocolats au petit Henrik. Mais en 1994, lorsque la grand-mère Hedwig Potthast décède, le jeune Henrik – alors âgé de 17 ans – dénote une atmosphère étrange aux obsèques: les larmes manquent à l'appel. Pourquoi sa «Mutti» n'est-elle pas pleurée par ses proches?
Une découverte brûlante
Ce n'est que 30 ans plus tard qu'Henrik Lenkeit connaîtra la réponse. Alors qu'il pensait tout savoir de son héritage familial, l'homme de 49 ans s'apprête à faire une découverte dévastatrice. Un après-midi d'août 2024, l'Allemand installé près de Malaga avec sa famille, tombe sur un documentaire intitulé «Who was Himmler?».
Intrigué par la vie du chef de la Gestapo responsable de la mort de millions de Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, Henrik Lenkeit effectue quelques recherches en ligne. Il tombe alors sur une photo qui lui semble étonnamment familière: il y reconnaît le visage de sa grand-mère.
Deux enfants cachés d'Himmler
Hedwig Potthast, n'était autre que la maîtresse du bras droit d'Hitler, Heinrich Himmler, avec qui elle aurait eu deux enfants. «Mon estomac s'est noué. J'avais l'impression d'être une cocotte-minute sur le point d'exploser», raconte Henrik Lenkeit au média britannique. Sa mère, Nanette-Dorothea, née en 1944, était la fille cachée d'Himmler. Elle a emporté ce secret dans sa tombe en 2019.
La liaison d'Hedwig Potthast avec le puissant chef des SS avait débuté en 1938. Himmler, déjà marié et père de famille à l'époque, aurait acheté une maison à sa maîtresse, qui y aurait vécu pendant la guerre avec leurs enfants.
Pour Henrik Lenkeit, le choc est immense. «J’ai eu l’impression que ma vie entière n’était qu’un mensonge.» Pendant des semaines, il s'enferme dans la colère, la honte et la tristesse. «J’ai même remis en question mon droit de continuer à vivre», confie-t-il. Pasteur à mi-temps, il se raccroche à la religion pour ne pas sombrer. «Quand j’ai pensé que je ne pouvais plus continuer, la foi m’a rappelé que la vie est un don. On ne choisit pas ses origines, mais ce qu’on en fait.»
Des détails sordides
Peu à peu, Henrik Lenkeit, lui-même père de famille, apprend à faire face et commence à creuser. Il découvre plus de 200 lettres du dignitaire nazi adressées à sa grand-mère qu'il surnommait «Bunny»: «Je vais à Auschwitz. Baisers, ton Heini», stipule l'une d'entre elles.
Puis des détails sordides commencent à faire surface. Comme la rumeur selon laquelle la grand-mère aurait vécu entourée de mobilier fabriqué à partir de peau humaine. Ou encore que le médecin ayant assisté à la naissance de sa mère serait Karl Gebhardt, celui qui a mené des expériences chirurgicales sur les femmes au camp de concentration de Ravensbrück. Henrik Lenkeit ne veut pas y croire.
«Elle aurait dû être dénoncée»
Mais si on n'a jamais pu prouver qu'Hedwig Potthast collaborait activement avec le régime nazi, son petit-fils en est certain: «Bien sûr qu’elle savait. Et elle aurait dû être dénoncée. Ne rien dire face aux chambres à gaz, c’est déjà être coupable.» Certains historiens auraient même émis l'hypothèse qu'elle aurait pu conclure un accord avec la CIA pour éviter des poursuites.
A la lumière de ces révélations choquantes, Henrik Lenkeit remet en cause toute son histoire familiale. Il doute que ses parents aient adhéré à l’idéologie nazie, mais certains indices le font s’interroger: son père, qui l'encourageait à regarder «La Liste de Schindler», était également un «grand admirateur d'Israël».
Aujourd’hui, le pasteur allemand reproche à ses parents des décennies de silence et de mensonges. Malgré ses efforts pour faire la lumière, de nombreuses zones d'ombre demeurent. Son oncle Helge refuse tout contact, ses frères et sœurs se murent dans le mutisme. Le poids de ce lourd secret familial, Henrik Lenkeit sait désormais qu’il le portera jusqu’à sa tombe.