Le commentaire de Richard Werly
De Gaza au Maroc, mon monde de «boomers» agonise

Le plan de paix pour Gaza de Trump pilonne le droit international. Les révoltes au Maroc, au Népal, à Madagascar ou aux Philippines, rejettent la corruption massive et dénoncent l'échec de l'aide au développement. Mon monde de «boomers» se meurt, confie Richard Werly.
Publié: 18:12 heures
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Dernière mise à jour: il y a 31 minutes
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A Gaza, les destructions de grande ampleur se poursuivent malgré le plan présenté par Donald Trump.
Photo: IMAGO/Anadolu Agency
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Richard WerlyJournaliste Blick

Nous avons donc tout raté. Et nous allons tous, vous et moi, quel que soit notre âge, en payer le prix fort, coincés entre les diktats de Trump et les slogans d’une jeunesse convaincue que la société dont elle hérite est en faillite.

Je regarde, en écrivant ces lignes, les images de la révolte conduite, au Maroc, par le collectif «Gen Z 212», raccourci entre la Génération Z (née dans les années 1990/2000) et l’indicatif téléphonique 212 de ce pays. J’ai aussi en tête la conversation que j’ai animée, jeudi 2 octobre, aux rencontres Orient-Occident de Sierre (VS) sur le «déni d’humanité» qui violente notre époque.

Mécontentements massifs

Nous voilà revenus, de Gaza au Népal en passant par le Maroc, les Philippines ou Madagascar en proie à des manifestations massives de mécontentement de la jeunesse, sur fond de revendications vielles comme nos sociétés. Nos illusions d’une prospérité partagée, des bénéfices apportées par les nouvelles économies mondialisées, et d’une démocratisation consolidée par le droit international n’ont donc, en rien, éteint ces moteurs historiques de la colère que sont la loi du plus fort, la lutte des classes, le refus de la corruption, la dénonciation du népotisme ou le culte de l’hyperpuissance, de la nation et du profit à tout prix (dans le cas de Donald Trump).

L’histoire, paraît-il, est un éternel recommencement. Soit. Mais dans le cas de mon monde de «boomers», façonné par la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 et par la disparition de l’Union soviétique en 1991, deux autres raisons expliquent son naufrage.

Cupidité et égoïsme

La première est la fragilisation généralisée de notre environnement, dans tous les sens du terme. Nous, «boomers», avons pensé que l’exigence de transparence et l’indépendance de la justice – qui n’ont cessé d’augmenter dans nos sociétés occidentales – feraient mécaniquement baisser la corruption et permettraient de promouvoir des dirigeants plus responsables en protégeant mieux les vulnérables. Erreur. La cupidité et l’égoïsme n’ont pas du tout été domptés.

Pire: les opportunités XXL de profits, de manipulations et d’instrumentalisation ont été engendrées par notre ère du tout numérique, dans un monde de moins en moins cloisonné par des frontières. Nous «boomers» avons aussi pensé, à tort, que l’alarme climatique refroidirait toutes les têtes. Faux. Les cerveaux de Trump et de beaucoup d’autres, résistent toujours au réchauffement de la planète.

Culture du résultat

La seconde raison, sur laquelle prospère la révolte de la jeunesse au Maroc, à Madagascar ou au Népal, mais aussi les harangues réactionnaires et autoritaires de Trump et du mouvement MAGA (Make America Great Again), est la soif de revanche identitaire tous azimuts, et le triomphe de la culture du résultat immédiat.

Nous, «boomers», avons formé les premières générations de voyageurs impénitents. Nous «boomers», avons cru qu’après la violence de la décolonisation, le dominant d’hier – l’occident dit libéral et démocratique – avait compris la leçon. Nous «boomers», avons pensé que les jeunes générations nous seraient redevables pour nos efforts en faveur d’une meilleure gouvernance mondiale. Double erreur. La génération Z voit que nous avons abîmé la planète, brouillé les repères sociaux, culturels et religieux, accaparé les ressources et cassé l’ascenseur social au point qu’il est souvent en panne dans nos pays occidentaux. Cette défaite collective nourrit et décuple les ressentiments individuels.

Mon monde de «boomers» agonise aussi parce qu’il est la victime d’une révolution technologique sans précédent. Mais il meurt surtout à Gaza, Rabat, Katmandou ou Antananarivo parce que la soif de changement, de justice et de dignité ne s’éteindra jamais. Mon monde de «boomers» agonise parce qu’il a simplement mal vieilli dans le fût de son cynisme. Il mérite aujourd’hui de disparaître. Pour que nos héritiers le réinventent.

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